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Lise MARCY, auteure de romances sentimentales et érotiques

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Découvrez sur cette page quelques unes de mes nouvelles mises gratuitement à votre disposition. Rentrez dans mon monde littéraire et laissez-vous emporter par votre imagination !

Savage Love 2

— Tu te rends compte que tu es sans doute la femme la plus célèbre dans le pays.

— Oui, souris-je à mon amie que j’ai vengée.

Pourtant intérieurement, je ne me sens pas fière. Je ne ressens même aucune fierté maintenant que l’euphorie est passée.

Je n’ai pas revu Jason depuis des semaines et...

Je repousse cette pensée. Je dois avancer. Je l’ai fait pour la bonne cause.

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    Vraiment ? Est-ce c’est comme ça que je t’ai élevée, me réprimanderait ma mère.

    Oui, c’est vrai que j’ai mal agi.

    Être la cause de la souffrance d’une personne n’a rien de glorieux. Même si c’était pour venger mon amie.

    Il m’oubliera vite ! Je n’en doute pas.

    Je repense à elle lorsqu’elle m’a appelée en pleurs.

    — Si tu savais, j’ai rencontré un acteur célèbre et il m’a traitée comme une trainée. Tu t'en rends compte !

    — Calme-toi et explique-moi !

    Je n’avais jamais vu mon amie dans un tel état depuis dix ans que l’on se connaissait.

    Elle a reniflé, a marqué une pause et a poursuivi :

    — Jason Benrulo !

    — Je suis censée le connaître ?

    Elle m’a regardée avec des yeux ahuris.

    — Tout le monde le connaît !

    — Eh bien, ce n'est pas mon cas !

    — Tu vis dans ton monde imaginaire, c’est normal finalement.

    — Enfin, accouche quoi !

    — Je suis sortie avec lui. Il m’a fait croire que j’étais exceptionnelle. Il a été extraordinaire, mais dès qu’on a couché ensemble chez moi, il est parti dans la nuit. J’avais vraiment l’impression d’être une pute !

    — Ohhh quel goujat ! Mais tu ne t’en doutais pas ?

    — Je voulais croire que j’étais unique !

    — Je suis désolée.

    — Ce n’est pas ta faute après tout !

    Après notre conversation, j’ai tourné cela dans ma tête plusieurs jours avant d’échafauder mon plan parfait. J’ai fait des recherches sur lui. Ryan avait rompu avec moi il y a quelques semaines parce qu’il s’est trouvé une autre nana ! Et je n’arrivais pas à l’oublier. C’était le moment idéal pour piéger ce séducteur qui venait de faire souffrir mon amie et tant d’autres pour sûr !

    Il devait payer. Et en effet, il a payé.

    — Tu ne m’écoutes pas !

    Le ton tranchant de mon amie me ramène au présent.

    — Excuse-moi !

    — Tu penses encore à Jason ?

    Je manque m’étouffer.

    — Bien sûr que non !  

    — Il est tombé amoureux de toi. C’est incroyable. Je n’aurais jamais cru que tu réussirais cet exploit !

    — Merci pour moi.

    — Tu sais bien ce que j’entends par là !

    Pas vraiment, mais je reste silencieuse.

    — Pendant toutes ces semaines, tu...

    Je ne la laisse pas finir.

    Je secoue la tête.

    — Non ! je m’insurge.

    Non je ne l’aime pas. Je me sens simplement coupable.

    — Ne me dis pas que le sexe avec lui n’était pas dément ?

    Elle sourit. Ce n’est pas mon cas. Pour ça, elle a raison. Ce mec sait y faire avec une femme.

    Il est doué. Je refuse de répondre à cette question.

    — En plus, contrairement à nous autres, tu as pu en profiter un moment.

    Je me contente de forcer un sourire sur mes lèvres.

    — J’ai du boulot ! Je vais rentrer.

    Nous nous embrassons et je quitte son appartement.

    En passant devant un kiosque, je tombe sur un magazine dans lequel Jason est en une avec pour titre :

    Chat échaudé craint l’eau froide. J’hésite, mais je finis par acheter le torchon. Ma curiosité est trop forte. Je cherche les pages le concernant et je lis.

    Jason Benrulo, le séducteur a disparu.

    En effet, nous ne lui connaissons pas de conquête depuis des semaines.

    Cette relation avec la jeune écrivaine, Angelina Cardolo qui l’a roulé dans la farine, semble l’avoir touché.

    Il ne sort quasiment pas de chez lui.

    Il sera bientôt à l’affiche d’un film. Nous espérons le voir prochainement avec sa prochaine conquête.


    Cet article m’irrite pour je ne sais quelle raison. Il faut avouer qu’il est sublime.

    Je jette le magazine en rentrant et me noie dans le travail.

    Mon ex m’a appelée. Nous nous sommes vus et je me suis rendu compte que je ne l’aimais plus. Je suis contente de m’être débarrassée de mes sentiments et surtout de lui avoir rendu la monnaie de sa pièce.

    Ma relation avec Jason avait au moins eu un côté positif.

    Aucun des deux n’a jamais cherché à me joindre depuis.

    — Ce n’est pas plus mal, soupiré-je.

    Je suis invitée sur un plateau TV demain. Je me douche et me couche. Je n’ai pas faim.

    Je me réveille tôt. Mon estomac est encore noué. Je prends un café, un jus d’orange, un toast avec du beurre et je quitte mon domicile. J’arrive rapidement.

    L’émission en direct commence.

    Je suis un peu stressée. Le direct peut s’avérer un piège. Vivement que cette émission se termine !

    Helen, la présentatrice, me pose de nombreuses questions auxquelles je réponds. Puis, arrivent les questions des spectateurs. Ça se passe bien, jusqu’à ce que Jason apparaisse. Tout d’abord, je crois à une apparition. Je ferme les yeux et les ouvre. Il est bel et bien là. Ma respiration se fait plus bruyante. Il est juste magnifique. Seuls ses yeux le trahissent. Je l’ai blessé et sa souffrance est encore là. Mon cœur se serre. Je suis mal.

    La tension entre nous est palpable.

    — Tu te sens mieux depuis que tu as vengé ton amie et toutes les femmes devant tout le pays.

    J’ai la gorge sèche.

    — Réponds ! s’impatiente-t-il.

    Helen sourit. Elle est fière de son coup. Ça m’apprendra.

    — Je crois que nous devrions en parler en privé.

    — Ah bon ? Et pourquoi ? C’est bien toi qui as exposé notre histoire dans ton roman, non ? Qui est best-seller, je te le rappelle. Donc j’en déduis que toute l’Amérique est au courant ! Alors autant que tout le monde connaisse ta réponse.

    — Que veux-tu que je te dise ?

    — Simplement la vérité !

    — Qu’en sais-tu de l’honnêteté ?

    — Je n’ai jamais menti à aucune femme ! J’ai toujours clairement expliqué mes intentions. J’ai agi de même avec toi jusqu’à ce que tout change de mon côté.

    Il a raison. Il a toujours été honnête. Je suis la seule menteuse !

    Je baisse la tête.

    — Comment se porte ta conscience ?

    — Je n’ai rien fait de mal.

    — À part mentir et profiter d’un homme, tu veux dire ?

    — Je n’ai pas profité...

    Il explose de rire.

    — Tu sais quoi ? Tu n’en vaux pas la peine. Je te souhaite une bonne journée. J’en ai fini avec toi, Angelina.

    Je quitte le plateau en trombe et rentre chez moi. Mon cœur est prêt à exploser.

    Le lendemain, Jason et moi sommes en Une de tous les magazines people. Je lis les titres :

    « Jason est enfin sorti du silence et il a broyé Angelina. »

    « Après être tombé, le Phoenix renaît de ses cendres. »

    Ou encore un autre, « ces deux-là, vont-ils finir par se marier ? Il y a une telle intensité entre eux ! »

    Se marier ? Ça ne risque pas. Je repense encore à sa dernière phrase.

    « J’en ai fini avec toi, Angelina. »

    Je soupire. Cette histoire est allée si loin.

    Je l’ai cherché.

    Mon téléphone sonne :

    C’est mon amie, Jenna.

    — Salut Jenna.

    — Je n’arrive pas à le croire !

    — Pardon ?

    — Tu es tombée amoureuse de lui !

    — Qu’est-ce que tu racontes ?

    — Ma chérie, il t’aime et tu l’aimes. C’était un connard, mais il avait raison sur le fait qu’il n’a jamais fait miroiter quoi que ce soit à aucune de nous. La seule à qui il a fait des promesses, c’est à toi. Et elles étaient sincères. C’est moi qui ai voulu rêver. Je ne peux m’en prendre qu’à moi. En revanche toi, tu l’as agrippé dans tes filets et il en a fait de même.

    — Tu te trompes !

    — Non. C’est toi qui te mens à toi-même. Ce n’est peut-être pas trop tard.

    Il est vrai que j’étais heureuse de ne pas le voir avec d’autres femmes ces dernières semaines.

    Je secoue la tête.

    — Nous ne sommes pas dans un conte de fées, Jenna. Je te laisse, j’ai du travail.

    — Penses-y !

    — De toute façon, c’est trop tard.

    — Il n’est jamais trop tard, quand il s’agit d’amour.

    — Bonne journée, Jenna !

    — Attends.

    J’entends sa respiration. Puis elle poursuit :

    — Si tu décides de suivre ton cœur, je serai de tout cœur avec toi !

    Je souris.

    — Tu es merveilleuse.

    Je raccroche. Je ferme les yeux.

    Deux jours plus tard, Jason est en Une avec une nouvelle jeune femme.

    J’ai un pincement au cœur. Il a repris du service. Tant mieux s’il m’a oubliée si vite après.

    Tu l’as quitté, qu’attendais-tu ? Qu’il devienne moine ?

    Ou qu’il tente de me reconquérir, peut-être ?

    Je ne sais pas ce que je veux.

    Je suis perdue. De toute façon, c’est trop tard.

    Ma manager m’appelle :

    — Je t’avais dit que ce n’était pas une bonne idée d’aller dans une émission avec autant de personnes qui ont la parole. Je ne m’attendais pas à ce que Jason soit présent, plutôt qu’une de ses fans t’attaquerait. C’est pire encore.

    — Je survivrai à ça !

    — Mais ta carrière...

    Juste avant notre rupture, j’ai pris une manager pour gérer ma carrière. C’était une aubaine pour elle.

    — J’ai vendu assez de livres pour être à l’abri toute ma vie.

    — Pour autant...

    — Trouve-moi une sortie pour que les gens passent à autre chose.

    — Tu devrais te montrer au bras d’un mec !

    — Hors de question !

    — Bon alors je te tiens au courant !

    — OK.

    Ma vie est un enfer depuis que j’ai vengé mon amie.


    Si je savais qu’elle allait tourner ainsi, je ne me serais pas lancée dans cette chasse aux sorcières. Avec du recul, je m’en veux.

    Je suis la première femme à l’avoir changé. C’était une si belle victoire...


    Je suis conviée à un gala pour une association pour laquelle je suis la marraine. Il y a peu de chance que Jason soit présent. Je ne l’imagine pas donner des fonds pour les femmes victimes.

    Je ne sais pas comment j’aurais supporté qu’il m’attaque à nouveau.

    J’y participe pour la bonne cause. Je leur ai fait un gros chèque.

    J’espère vraiment que les choses vont évoluer pour nous toutes.

    Je me prépare et quitte ma maison.

    Eh oui j’ai une belle villa maintenant. Grâce à Jason... Je ne l’oublie pas.

    Le SUV que j’ai commandé est là. Je monte et nous partons. Vingt minutes plus tard, nous voilà à l’hôtel qui nous reçoit.

    Quelques femmes qui ont bénéficié de fonds pour s’en sortir ont été invitées. Je serai ravie de discuter à nouveau avec elles. Elles m’ont beaucoup aidé dans mon enquête pour mon prochain livre.

    Je tenais à leur rendre hommage.


    Dès mon arrivée, je suis éblouie par les flashs de tous les côtés.

    — Madame Cardolo, nous espérons que Monsieur Benrulo et vous saurez mettre de côté vos griefs pour cette soirée.

    J’imagine ma tête. Il est donc présent ? Comment cela se fait-il ?

    — Vous ne saviez pas que votre ex petit ami donnait pour cette cause depuis des années déjà ?

    — D’ailleurs, il donne beaucoup d’argent aux œuvres en général.

    La gêne qui m’assaillait augmente. Je ne savais vraiment rien le concernant.

    Je n’ai pas cherché à en savoir plus.

    Je ne réponds pas et me dépêche de rentrer.

    Je discute avec Lola, une ancienne femme battue pendant une dizaine de minutes. Nous dégustons de délicieux canapés et buvons du champagne.

    Jeanna nous rejoint.

    Je suis ravie de les voir. Ces deux femmes ont beaucoup inspiré les héroïnes de mon dernier roman.

    Je passe une grande partie de la soirée à esquiver Jason. J’ai l’impression qu’il en fait autant.

    On me demande de faire un discours. Je m’exécute. Je suis émue.

    En sortant, je passe par les coulisses et tombe nez à nez avec Jason pour ma veine.

    Nous nous observons quelques secondes en silence.

    — Tu es magnifique, se contente-t-il.

    Je souris.

    — Toi aussi. Tu n’es pas accompagné aujourd’hui ?

    — La seule que j’aurais aimé avoir à mes côtés m’a trahi.

    Je déglutis.

    — Je suis désolée. Tu as raison. J’ai mal agi.

    Il est surpris.

    — Ce n’était pas mon combat. J’aurais dû...

    — Est-ce que tu...

    — Je quoi ?

    — Tu t’es rendu finalement compte que tu m’aimais ?

    Je m’apprête à répondre quand une pensée me glace le sang.

    — Tu comptes te venger de moi ?

    — Je comprends pourquoi tu as agi comme ça, même si je ne cautionne absolument pas ce genre d’attitude. Pour autant, je suis fou de toi et rien à y faire, je n’arrive pas à t’ôter de ma tête !

    — Je ne sais pas si je dois me sentir flatter !

    — Je n’ai jamais ressenti cela auparavant.

    — J’aurais dû apprécier cela. Alors comme ça, la cause des femmes t’est chère ?

    — Ma mère m’a élevé seule. Elle a trimé. C’est pour cela que j’ai toujours essayé d’être honnête avec les femmes en ne leur donnant pas de faux espoirs. C’était aussi une façon de me protéger jusqu’à ce que je te rencontre et que tu changes tout dans la vie. Que tu brises toutes les barrières que j’avais érigées pour ne pas souffrir. Et Dieu sait que j’ai souffert à cause de toi.

    — Je suis désolée. Terriblement désolée.

    — Dis-le Angelina.

    — Quoi ?

    — Tu sais très bien ce que je veux...

    Oui je pense savoir ce qu’il veut.

    — Je ne pensais pas l’être, il y a quelques semaines, pourtant je me suis trompée. Je t’aime, Jason.

    Il me prend dans ses bras et m’offre un baiser digne des contes de fées.

    Les paparazzis autour nous prennent en photo. Pour sûr, nous ferons la Une de tous les journaux et magazines people, mais là tout ce qui m’importe c’est que mon prince et moi nous en allions.

    Au bout d’un temps infini, il me libère et me propose de nous en aller.

    J’accepte. Dix minutes plus tard, nous sommes chez lui. C’est la première fois que j’y vais et il n’y a pas à dire sa baraque est splendide.

    Il reprend notre baiser et là je veux croire que plus rien ne nous séparera.

    Le lendemain, nous sommes à la Une : Cardolo et Benrulo : La réconciliation.





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Spin-off Aurore, Les lois de l’amour 

L’histoire (érotique) d’Aurore est offerte et elle est à lire si vous avez lu mon roman les lois de l’amour, cela vous évitera le spoil…

Chapitre 1

Paul dort. Il a eu une rude journée hier. Il a fini tard. Désormais il siège à la cour d’assises. Il voulait du changement, mais certains meurtres lui sont très difficiles à digérer. Il lui arrive de prendre certaines affaires trop à cœur.



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    J’essaie de l’aider du mieux que je peux à s’endurcir afin de ne pas trop se laisser attendrir par ces dernières. Il y est depuis à peine quelques semaines et ce n’est pas encore évident.

    En ce qui me concerne, j’ai appris à le faire par la force des choses. Cela fait plus de dix ans que je juge des affaires concernant le droit des enfants. Certains parents se déchirent et oublient que ceux qui en souffrent le plus restent leurs jeunes enfants. Certains jeunes n’ont plus de parents… Bref nous sommes en vacances depuis ce matin et il est hors de question que l’on parle du boulot. Ce soir nous recevons Ashley, Xav et les enfants et j’ai hâte d’y être. Nous ne nous voyons pas aussi souvent que l’on aimerait. Nous avons tous nos vies et elles sont bien remplies.

    — Mon amour, à quoi penses-tu de si bon matin ? Tu me sembles préoccupée.

    — Je réfléchis à mon menu de ce soir. Je suis si excitée à l’idée de voir Ashley.

    — Les voir heureux après tout ce qu’ils ont vécu c’est un peu bonheur.

    — Je ne te le fais pas dire. 

    Mon mari m’enlace et je ressens tout son amour. Il est tellement doux et attentionné. Plus j’y repense et plus je me dis que je suis comblée que les choses ne soient pas passées comme je l’imaginais plus jeune. Vous me connaissez à travers les yeux de mes amis. Laissez-moi vous raconter mon histoire.

     

    Mes parents se sont mariés jeunes parce que cela ne se faisait pas de se fréquenter en dehors du mariage. Ils l’ont donc toujours vécu comme une contrainte.

    Ils ne voulaient pas d’enfants. Je suis arrivée comme un cheveu sur la soupe.

     

    Je me rappelle que depuis mes quatre ans, ils n’ont cessé de me répéter que je n’avais pas été désirée, du moins mon père. Ma maman quant à elle ne disait rien.

    Au début, j’en ai souffert. Avec le temps, je m’y suis habituée et l’ai accepté.

     

    Un soir, papa, qui était en colère, car je refusais d’apprendre ma leçon, m’a dit :

    — Tu me rappelles constamment pourquoi je ne voulais pas d’enfants. Tu es vraiment épuisante. Heureusement que j’ai convaincu ta mère de se faire retirer son utérus. Au moins, nous sommes sûrs qu’il n’y aura plus jamais d’accidents aussi malencontreux que toi !

    J’avais huit ans et cette remarque m’a blessée même si je ne comprenais pas vraiment son sens à cette époque-là.

    Je n’ai jamais oublié cette phrase.

    J’ai couru dans ma chambre. J’ai pleuré. J’étais forte malgré mon cœur brisé.

    Maman est venue me voir.

    — Je t’aime ma chérie. Ton papa est spécial.

    — Retirer u utérus c’est quoi ?

    Ma maman m’expliquait toutes les choses que je ne comprenais pas. Elle ne contredisait pas papa, mais elle n’était pas comme lui.

    Elle a rougi. Je la sentais mal à l’aise.

    — Tu sais que je ferai tout pour comprendre maman. S’il le faut, je demanderai à madame Solin. Il s’agit de ma maîtresse de l’époque.

    Elle a respiré et m’a déclaré de manière claire :

    — Toutes les femmes ont un utérus et il nous permet de devenir maman.

    — Même si tu ne veux plus d’enfants, tu n’aurais pas dû le retirer. Maintenant, tu n’es plus une femme maman.

    Elle m’a regardée.

    — En quelque sorte ma chérie. J’aime ton père, je ferai tout pour lui.

    J’ai compris à ce moment-là que ni maman ni moi n’étions aimées de mon père. Mais aussi que maman était bien trop dévouée à cet homme nocif pour elle. Comment pouvait-on faire une telle chose pour une personne ? Aimer un homme qui ne nous aime pas en retour ? Je trouvais cela inconcevable. Je n’aimerais jamais un homme. 


    Chapitre 2

    À dix ans, j’ai surpris une conversation qui m’a choquée au plus haut point et qui m’a confortée dans ma conception de l’amour.

    — Chéri, ce soir je ne veux pas y aller.

    Où ne veut-elle pas aller ? Ils ne sont jamais à la maison le week-end. Où vont-ils ? Je savais que je ne devais pas écouter, mais je veux savoir pourquoi ils m’abandonnent depuis si longtemps ? J’en étais là dans mes réflexions quand j’ai eu une réponse qui m’a vraiment mis mal à l’aise.

    — Non, tu ne me fais pas faux bon. La semaine dernière déjà tu étais crevée. Alix et Pat sont impatients de s’occuper de nous et je le suis tout autant.

    — J’ai besoin d’une pause.

    — Pas ce soir !

    Le ton de mon père était sec. Mes parents sont, d’après ce que je comprends, des échangistes. Encore une fois ma vision de l’amour s’est détériorée. Le sexe semblait être important dans leur vie, mais pas l’amour.

    — Quand tu m’as rencontré, tu connaissais mes penchants. Je t’en ai toujours parlé. Je t’ai épousée parce que tu semblais ouverte. Ne l’oublie pas ! J’ai besoin de coucher avec plusieurs partenaires. C’est ma seule conception de l’amour. Je n’en ai pas d’autres et je ne le désire d’ailleurs pas ! Si je ne me sens pas soutenu, je m’en irai.

    — Et notre fille ?

    — Elle t’aura toi…

    — Comment…

    — Tu sais quoi faire pour que notre vie soit heureuse !

    Il s’est approché d’elle, lui a donné un baiser et a quitté la pièce. Maman est restée là à pleurer. Elle m’aimait autant qu’elle l’aimait. Elle s’est sacrifiée par amour pour lui et pour moi. Quelle triste vie !

    Je l’ai rejoint.

    — Maman, je t’aime. Merci.

    Elle m’a regardée dans les yeux et m’a prise dans ses bras.

    — Tu sais ton père nous aime à sa façon.

    Je n’ai rien répondu, mais je ne croyais pas du tout ce qu’elle venait de m’annoncer. Nous sommes restées ainsi toutes les deux. C’est la seule et unique fois que j’ai prononcé ces mots à ma mère. Je ne pouvais qu’aimer cette femme et ce sera la personne que j’aimerais j’en étais certaine.

     

    J’ai un esprit fin et je comprenais très vite. J’ai appris à lire à quatre ans et je m’ennuyais à l’école. J’ai donc suivi un parcours particulier. J’ai été peu de temps après diagnostiqué enfant précoce.

    Ces deux psychiatres que sont mes parents ont toujours refusé que j’avance trop vite dans ma scolarité, sous peine de me perturber. Je me suis donc toujours ennuyé. Je ne me suis jamais plaint, car une petite fille gentille ne le doit pas. Si je faisais une bêtise, papa me disait combien j’étais une erreur dans leur vie et combien j’étais imparfaite malgré mon intelligence soi-disant incroyable.

    Ce diagnostic me faisait peur. Je ne comprenais pas forcément à quoi cela correspondait. Quand j’avais des questions, je pouvais toujours les poser à maman. Elle m’expliquait toujours.

    — Maman, ça veut dire quoi que je suis précoce ?

    — Tout simplement que ton cerveau est rapide à tout analyser. Que tu comprends très rapidement !

     

    Il m’a manipulée, retourné le cerveau jusqu’à mes treize ans. Il faisait de moi ce qu’il voulait.

    L’adolescence est une période difficile. La mienne n’a pas été des plus simples.

    Cette année, je me suis rebellée et j’ai vécu un véritable enfer…

    Chapitre 3

    Mon père n’a jamais aimé les garçons, hommes qui ont fait partie de ma vie. Avec mes parents croire en l’amour n’avait pas de sens.

    Ainsi à 14 ans, mon voisin Patrick et moi étions tout le temps l’un chez l’autre. Ses parents comme les miens n’étaient jamais présents. Nous les soupçonnions même d’avoir une liaison ensemble. Nous imaginions ce qu’ils pouvaient faire ensemble tous les quatre. Tant est si bien qu’un jour, nous avons décidé de coucher ensemble. Ni lui ni moi n’étions amoureux et ne pouvions d’ailleurs le concevoir. L’amour n’existe pas, mais le sexe peut ne pas être mauvais. Ce soir-là après avoir dévoré notre pizza, Pat m’a proposé :

    — Et si nous faisions l’amour ensemble ?

    — Tu plaisantes ?

    — Non, je suis sérieux. On s’entend super bien. Je t’aime bien, toi aussi tu m’aimes bien alors pourquoi ne pas découvrir ensemble en quoi ça consiste ?

    Je l’ai regardé un moment. Il était vraiment sérieux. Mon cœur s’est mis à battre la chamade. Suis-je vraiment prête ?

    Pourquoi pas après tout ? Je n’attends pas un prince charmant. À quoi bon attendre ?

    Il a allumé son ordinateur et a mis un film de cul. Je vous passerais les détails, car j’ai trouvé la posture de la femme très avilissante. Apparemment, il aimait regarder ce genre de films et se masturber devant. Il ne s’est pas gêné pour le faire devant moi.

    — Tu veux me le faire ?

    Il ne manque pas d’air. Mais j’avoue que l’expérience me tentait grandement.

    Il m’a posée la main sur son sexe et je l’ai caressé du mieux que j’ai pu. Il m’a ensuite préparée à son tour. Lorsqu’il m’a pénétré j’ai expulsé un aïe bien douloureux. L’expérience finalement de cette première fois n’a été ni bonne ni mauvaise. Il m’a fallu bien quinze jours avant de recommencer. À partir de la quatrième fois, j’ai commencé à prendre du plaisir.

    Plusieurs mois plus tard, comme à leur habitude, mes parents étaient partis et m’avaient laissée seule. Pat m’avait rejoint en fin de journée pour une soirée galipette comme nous avions tendance à l’appeler. Mes parents étaient revenus plus tôt que prévu. Ils nous avaient surpris en plein ébat. J’ai encore en tête la honte que j’ai ressentie à ce moment précis. Mon père était furieux. Il avait congédié Pat et lui avait interdit de remettre les pieds à la maison.

    — Tu te rends compte que tu as 14 ans, hurla ma mère.

    — Et alors ? Avec des parents détraqués comme vous, vous vous attendiez à quoi ?

    — Pardon ?

    Ma mère était choquée par mes propos. Mon père m’a giflée.

    — Je t’interdis de poser la main sur moi encore une fois. Si tu recommences, je te dénoncerais auprès des gendarmes, tu m’entends ? J’ai des droits.

    — Tant que tu vivras sous mon toit, tu suivras mes règles !

    — Tes règles ? Laissez votre gamine de 14 ans seule pour aller baiser avec d’autres couples, vous trouvez ça normal ? Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. Je ne compte pas arrêter ma relation avec Pat. Vous avez récolté ce que vous avez semé. J’aime le sexe, je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin.

    Je n’arrivais pas à croire que j’avais eu cette audace. Mon père était furieux. Je sentais sa rage dans sa respiration saccadée. Je crois l’avoir effrayé. C’est sans doute la raison pour laquelle, il ne m’a pas giflé une seconde fois pour mon insolence.

    — Maintenant le week-end, nous ne partirons plus. Tu ne verras plus Patrick. Dès ta sortie de l’école, tu rentreras directement à la maison.

    Il a en effet, mis à exécution ses propos. Je l’ai détesté. Défier mon père m’avait excité. Je ne comptais pas céder éternellement à ses attentes. Je n’ai plus couché avec Pat chez lui ou chez moi. Nous le faisions à l’école. Entre deux cours ou pendant la récréation.

    L’année suivante, Pat et ses parents ont déménagé. Je suis encore persuadée que mon père n’y est pas pour rien dans ce départ précipité. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles. Dans la mesure où notre entente était purement sexuelle, le seul manque que j’ai eu était à ce niveau. Il m’a fallu trouver un autre mec pour satisfaire mes besoins. Je suis donc sortie avec un terminale à 15 ans. J’étais en seconde. C’était un bon coup. Mon père qui m’avait lâché un peu la bride m’a vue avec lui un après-midi et a vite compris que Jérémy et moi ne nous fréquentions pas comme de simples potes.  Il a voulu que je leur présente. Je n’ai pas vraiment eu le choix. Il l’a donc menacé et il m’a quittée. Il a renouvelé son scénario d’intimidation sur chacun de mes petits amis. Je ne lui présentais plus, mais il réussissait toujours à nous voir ensemble et à les contraindre. J’ai donc détesté cet enfoiré pendant la majeure partie de mon adolescence. Les prises de tête entre lui et moi étaient féroces, mais aucun des deux ne lâchait.  

     

    Lorsque j’ai eu mon bac et que j’ai réussi à les convaincre par je ne sais quel miracle en fait si je sais comment. J’étais allée à bonne école et avait compris l’art de la manipulation de mon père. J’ai donc agi sur le maillon faible de la famille, ma mère et grâce à elle j’ai pu quitter ma province pour Paris. Dauphine, une super fac me recrutait comment pouvaient-ils refuser ?

    Arrivée à Paris, libre, je me suis enfin libérée et j’en ai profité. Je suis partie à la mi-août et je n’arrêtais pas de sortir, je buvais tous les soirs et couchais avec un mec différent. Bien évidemment, je me protégeais, il était hors de question que je fasse un gosse. Le jour de la rentrée, j’ai rencontré une étudiante qui semblait méga coincée. Elle était hautaine et se croyait meilleure que les autres. On se détestait. Je n’avais pas besoin de bosser pour avoir d’excellents résultats. Je sais qu’elle passait ses journées à la BU pour travailler alors que moi non. Pourtant mes résultats étaient toujours supérieurs aux siens. Je profitais de la vie. Un jour, elle m’a fait une réflexion et moi qui ne me laissais atteindre par personne, j’ai été touchée. Sa remarque m’a touchée et une larme a coulé de ma joue. Elle s’est excusée. Je ne remercierai jamais assez ma larme d’avoir coulé, car cette fille que je n’aimais pas est devenue ma meilleure amie. Vous avez deviné qu’il s’agissait d’Ashley. À partir de ce jour, nous avons appris à nous connaître. J’ai calmé mes sorties, j’ai appris à plus me respecter et à respecter mon corps. Pour autant, je ne suis pas devenue aussi pure qu’elle. Cela m’était inconcevable. Mais je choisissais, les mecs avec qui je couchais avec plus de soin.  Quand j’ai rencontré ses parents, j’ai compris que l’amour existait. Qu’il pouvait être pur et beau ! Nos parents étaient si différents. Notre enfance aussi. Quand elle a rencontré Xavier Lafont, j’ai compris que cet homme était celui qu’il lui fallait et qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Le regard qu’ils ont échangé, et ce que j’ai lu dans leurs yeux à tous les deux étaient juste d’une pureté. Je n’ai plus vraiment eu la même vision de l’amour après ça. Une relation entre eux était impossible, il est vrai, mais je ne doutais pas qu’un jour ils se retrouveraient.

    — Tu sais très bien qu’il ne se passera jamais rien entre cet homme et moi.

    — Je n’ai pas cette vision. Il y a eu une vraie osmose entre vous. Je ne sais pas quand, mais je sais que vous deux vous vivrez quelque chose ensemble.

     

    Quand on a appris que sa femme était décédée, j’en ai d’autant plus été certaine.

    — C’est un signe.

    — Tu parles bien de la mort d’une femme ?

    — Quoi ? On ne la connaissait pas. Et elle avait l’air antipathique. Je ne peux pas avoir de la peine pour quelqu’un que je ne connais pas. Désolée, tu m’en demandes trop.

    — Au moins, compatir au fait qu’il vient de perdre sa femme.

    — Justement grâce à toi, il l’oubliera.

    — Je t’adore, mais tu es barjot !

    — Non. Je suis romantique.

    — Tu m’excuseras, mais je trouve ça plutôt glauque que romantique.

     

    Avec le temps, je l’ai incité à postuler à son cabinet.

    — C’est un signe. Tu ne peux pas passer à côté. Si tu es embauchée avec la quantité de postulants, tu sauras que c’était le destin.

    — Je vais postuler même si je ne crois pas en ton fameux destin justement.

    J’avais eu raison. Elle avait eu le poste et elle vit une histoire d’amour magnifique avec un type extra.

    En ce qui concerne ma relation avec Paul. Le jour de notre rencontre, j’ai vraiment flashé sur lui. On nous a proposé de participer à des procès et naturellement plusieurs d’entre nous ont accepté. Nous devions prendre des notes et faire des synthèses des affaires ainsi que du jugement. Je ne m’attendais pas à tomber sur l’homme de ma vie.

    Lorsque je suis arrivée, je me suis assise sur un des sièges du fond. Nous étions plusieurs étudiants. Nous étions le plus discret possible. Le juge Paul Thavers a été annoncé et il est arrivé dans la salle d’audience. Il était à couper le souffle. Il m’a naturellement tapé dans l’œil. Il n’y avait aucune chance qu’il ne me remarque. Je ne suis absolument rien. Ce beau blond aux yeux verts me faisait vraiment de l’effet. Il ne m’a même pas jeté un regard. J’y suis allée plusieurs fois avant qu’il ne pose les yeux sur moi. Je n’ai plus été intéressée par un autre homme dès le jour que je l’ai rencontré. Ils ne me faisaient plus aucun effet et je n’avais pas non plus envie de coucher avec qui que ce soit. Je rêvais de lui, de son corps contre le mien.

    À plusieurs reprises, j’ai croisé le malheureux Xavier CHOLAT, cependant Ashley n’a jamais voulu m’accompagner. Elle refusait de rater les cours. Pff. Heureusement qu’il a fini par la dérider.

    Un mardi, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée lui proposer une interview. J’ai donc improvisé un gros bobard pour avoir son téléphone.

    — Bonjour Juge Thavers. Je m’appelle Aurore Romani.

    Il m’a serré la main et fait un énorme sourire charmeur. J’étais déjà charmée, il a fini de me prendre dans ses filets.

    — Je suis étudiante à Dauphine et je voudrais vous interviewer pour le journal de ma fac.

    — Avec plaisir.

    — Accepteriez-vous de me donner votre numéro ? Je vous appellerai afin de convenir d’un jour ensemble pour faire l’interview ? Qu’en pensez-vous ?

    — C’est une excellente idée.

    Il me donne son téléphone et me demande de faire sonner le sien afin d’avoir le mien.

    — Vous comprenez, je ne réponds pas aux numéros que je ne connais pas.

    — J’imagine, en effet.

     

    Peu de temps plus tard, il m’a appelée et proposé de boire un verre bien avant que je le contacte pour l’interview. Je lui ai avoué le soir de notre premier rendez-vous que j’avais manigancé cela pour avoir son numéro. Nous nous sommes rapidement tutoyés.

    — J’en suis ravi. Je t’ai repérée depuis le premier jour de votre venue. Je cherchais un moyen de t’approcher. Tu m’as devancé.

    Nous avons souri.

    — Tu attends quoi de cette soirée ? m’a-t-il demandé de manière directe.

    — Et toi ?

    — J’ai envie de toi.

    — Sans doute pas autant que moi, Paul.

    Nous sommes rentrés chez moi. Quelle ne fut pas ma surprise de lire qu’Ashley était allée chez son patron, Xavier ! J’espérais qu’elle couche avec lui. Mais je savais qu’il lui faudrait plus de temps pour réussir cet exploit.

    Paul a trouvé notre appart bien sympa. À peine après m’avoir dit cela, il s’est jeté sur moi et nous avons fait l’amour pendant des heures durant sans répit. Je n’avais jamais vécu cela. Je n’avais jamais eu un tel amant. On sentait l’homme expérimenté. Notre relation ne s’est jamais amenuisée. Tout est si parfait avec lui.

     

    Lorsque nous sommes arrivés chez mes parents, mon père a vu notre relation d’un mauvais œil. Il n’a pas eu à ouvrir la bouche que dans ses yeux j’ai vu qu’il ne l’appréciait pas. 

    — Papa, maman, je vous présente Paul Thavers.

    Je ne m’attendais pas à ce qui a suivi.

    — Comme je sais que ça ne marchera pas, je ne vais pas faire semblant de lui faire croire que je l’aime, se permit mon père.

    — Pardon ?

    Ses paroles étaient choquantes.

    Ma maman lui a donné un gros coup de coude.

    — Quoi, c’est ton combientième amant ? Le soixantième, le centième même. Depuis le temps que tu es à Paris…

    — Papa, je t’en prie.

    — Tu ne lui as pas dit que tu couches avec des mecs depuis tes quatorze ans ?

    Paul voit comme je suis gênée et honteuse.

    La journée chez eux a été très pénible pour nous.

    Le chemin de retour s’est fait dans le calme.

    J’ai fini par lui demander, après deux heures dans une atmosphère froide.

    — Je te dégoutte ?

    — Non !

    — Tu mens !

    —  Je n’ai pas de dégoût pour toi. J’aurais simplement préféré l’apprendre de ta part.

    — Te dire quoi ? Que j’ai couché pour la première fois à 14 ans ou que j’ai baisé avec énormément de mecs !

    — Les deux.

    — Tu crois que c’est un passé dont je suis fière ?

    — J’espère bien !

    — Arrête la voiture.

    — Pourquoi ?

    — Je t’ai dit d’arrêter ta putain de voiture !

    Il s’est arrêté et j’en ai profité pour sortir.

    — Maintenant, casse-toi ! La pute que je suis trouvera bien un mec pour la ramener chez elle. Peut-être aussi qu’il me baisera.

    Il est sorti de la voiture.

    — Je ne partirai pas sans toi, me hurle-t-il.

    — Pourquoi ? Je te répugne alors je pense que nous n’avons rien à faire ensemble. J’ai eu un passé chaotique. Je ne l’ai raconté à personne. Même Ashley ne sait pas tout. Comment peut-on le dire hein ? Mon père n’a fait que ça. Chaque fois qu’il savait que je sortais avec un mec, il le faisait fuir. Mon adolescence était pourrie. J’ai fait des conneries. Beaucoup, cependant depuis que je connais Ashley, je me suis assagie et depuis que je te connais, je ne veux plus aucun autre homme. Je ne le conçois pas. Je ne le veux plus. Je t’aime Paul. Si mon passé t’atteint, c’est que l’on n’est pas fait l’un pour l’autre.

    Il réfléchit alors que ses yeux sont rivés, noyés dans les miens.

    — Je suis choqué, je ne peux le nier. Cependant, je t’aime plus que tout et rien ne changera mes sentiments à ton égard, tu m’entends ?

    Sa voix était devenue douce. Il s’est approché et m’a pris dans ses bras. Je me suis mise à pleurer. Il m’a embrassée et nous sommes restés là un moment.

    Les deux fois suivantes, mon père a à nouveau eu cette attitude, mais à la quatrième, Paul a pris confiance et s’était permis de le remettre à sa place.

    — Monsieur, je ne connaissais pas Aurore à cette époque. Elle était jeune, elle a fait des bêtises, vous avez je le pense, vous aussi votre responsabilité dans la vie débridée de votre fille à une période de sa vie. Je suis heureux avec elle. Je l’ai connue à la bonne époque et peu importe ce que vous me direz, je la connais assez pour savoir que je l’aime et que j’ai envie de faire ma vie avec elle. Alors, cessez votre petit jeu ! Vous devriez avoir honte ! Votre fille malgré ses erreurs de jeunesse ne mérite-t-elle pas d’être heureuse ? Si je vous entends encore une seule fois faire une remarque sur sa vie d’avant, nous partirons et je crois que nous ne reviendrons jamais plus chez vous. Vu la façon dont vous la traitez, je pense qu’elle ne s’en portera pas plus mal.

    Mon père était un être odieux. Pour la première fois sans doute, il était tombé sur un homme qui ne se laissait pas intimider. Il était à la fois choqué et ravi du caractère de Paul. J’ai senti dans son rictus qu’il l’admirait pour son courage. Peut-être aussi le fait d’avoir entendu que Paul m’aimait l’avait calmé.

    J’ai appris un peu plus tard, qu’il trouvait que Paul était trop beau pour être sincère. Son speech lui avait fait prendre conscience que c’était l’homme de ma vie et qu’il avait été con. Il ne s’est plus jamais permis de faire de remarque me concernant. Il a même appris à connaître Paul et l’entente entre les deux hommes est devenue cordiale.

    Ce qui est drôle en y repensant, c’est que mon père joue avec mes enfants. Il en est gaga. Je n’ai jamais eu cette relation avec lui.

    J’en ai même été jalouse pendant un temps. Paul m’a rassurée.

    — Au lieu d’être jalouse, tu devrais en être ravie, ma chérie.

    — C’est quand même dur à encaisser, je dois te l’avouer.

    — Tu aurais préféré qu’il soit indifférent ? Qu’il les déteste et le leur dise ouvertement.

    Bien sûr que non, Paul avait raison.

    — Non. En effet, c’est mieux ainsi.

    Il m’a fait un énorme sourire et un gros câlin.

     

    J’en ai quand même fait part à mon père un jour.

    — Papa, je suis contente qu’au moins tu aimes Sarah et Corentin.

    Il m’a regardée, étonné. Puis, il a compris.

    — J’ai été le pire père que l’on pouvait souhaiter. J’ai tout gâché avec toi. Je n’ai jamais su comment te montrer que je tenais à toi.

    Là, c’est moi qui ai été choquée par ses révélations.

    — Tu es ma fille, je suis un gros con, mais je t’aime. Et comme je n’ai pas su te le montrer, je me suis dit que je ne devais pas faire la même erreur avec mes petits-enfants. Tu as un super mari, pas grâce à moi. Je devais faire mon mea culpa pour tout ce que je t’ai fait vivre. Ça ne rattrapera jamais tout, mais je me dis que tu apprécies de me voir proche d’eux.

    — Oui. Merci papa.

    Il m’a pris dans ses bras et j’ai senti une larme couler de sa joue sur mes cheveux.

    — J’espère qu’un jour tu me pardonneras ma chérie.

    — Je t’ai déjà pardonné.

    Nous n’avons plus reparlé de nos sentiments et de mon enfance pourrie. On profitait du plaisir que nous tirions à être ensemble tout simplement.

    Je n’ai jamais pu tout raconter à Ashley. J’ai mon jardin secret que je partage malgré moi avec mon mari. Heureusement qu’il a été compréhensif. J’ai encore honte de ma vie d’avant. Si Paul n’a pas fui, c’est que j’ai changé et que je mérite comme tout le monde une seconde chance.

    Vous me connaissez mieux. J’espère que vous aussi n’avez pas une vision de moi trop négative. J’ai évolué et grandi.

    Ce n’est pas que je m’ennuie, mais je reçois Ashley et sa famille, alors je vais me mettre aux fourneaux.  Merci de m’avoir lu.





Confinement vôtre !

J’ai toujours adoré la Chine et mon premier voyage bien que magnifique se solde par un confinement chez moi. Je soupire dépitée. Dès mon arrivée à Paris, on m’a expliquée que je devrais rester deux semaines entières chez moi. Il m’est impossible de bouger. Je devrais être effrayée pourtant je ne le suis pas. Alors où est le problème ? Je tourne en rond. Je m’ennuie. Netflix, la lecture depuis deux jours, je sature...

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    — Coucou Sissi, alors ça va ?


    Je m'appelle Jessica, mais mes proches m'appellent ainsi. 


    — Oui ma grande sœur, la taquiné-je. Heureusement que je peux compter sur toi pour faire mes courses.


    Dès que ma sœur a su que je devrais être consignée à résidence, elle m’a naturellement proposé cette option. Ainsi, je lui fais un virement et envoie un message de ce qui m’intéresse. Et le soir, elle dépose mes courses sur mon pallier. Nous nous parlons tous les jours par téléphone. Cette maladie, au moins, nous aura rapprochées. Nous n’avons jamais été aussi proches que depuis que nous éloignées.


    — Tu n’as pas l’air en forme. Tu es sûre que tu n’es pas malade ?

    — Si je l’étais, je serais à l’hôpital voyons...

    — C’est vrai.


    Elle soupire.


    — Alors dis-moi ce qui se passe !

    — Je me sens seule.

    — Tu prônais il y a peu l’indépendance des femmes etc...


    Et voilà c’est reparti. Toujours la même rengaine. Nous sommes en divergence là-dessus.


    — Ce n’est pas parce que je suis indépendante que je n’aurais pas aimé avoir quelqu’un avec moi qui me soutient moralement. On est forcément plus fort à deux. Et j’ai beau aimé ma vie, en ce moment, la présence d’un homme me manque.


    — Alors vas sur le site tchatche.com.


    Ma sœur mariée, 1 enfant maintenant, me saoule. Tout est toujours tellement facile pour elle. Elle est avec Mike depuis leurs 15 ans. Il est vrai que je n’aurais pas aimé rencontrer mon homme trop jeune mais à mon âge, j’ai bien roulé ma bosse.


    — Tu me ramènes des courses bientôt ?


    Tenté-je de changer de sujet. Et ça va marcher car elle le sait que ça ne sert à rien d’insister quand je n’en ai pas envie.

    — Ce soir.

    — Super, merci ma sœur.


    Nous raccrochons.


    Je soupire, soulagée. Je me lève. J’ai la gorge sèche. J’ai soif. Je me sers à boire. On pourrait penser que je cherche à gagner du temps. L’idée de ma sœur se fraye un chemin toute la journée dans ma tête. Vers 20h, je me pose enfin. Je décide d’allumer mon ordinateur. Il prend un temps fou à s’allumer. Je suis lasse. On pourrait dire que je porte toute la misère du monde sur mes épaules. En ce moment ce sentiment est omniprésent dans mon cerveau. Pour cela, je me sens égoïste, mais j’ai beau me raisonner, je n’arrive pas à être pragmatique et à voir que d’autres ont beaucoup moins de chance que moi.


    Quand j’ordinateur s’allume enfin, je me dis que mes relations amoureuses sont nébuleuses depuis toujours qu’un de plus de moins ne changera rien. Au moins, ça fera passer le temps. Est-ce vraiment ce que je pense ou est-ce pour me rassurer ?


    Je me connecte et créé un pseudo. Jess26 me paraît parfait. Je ne mets aucune indication me concernant. Je ne vais quand même pas noter dès le départ : jeune femme noire de taille moyenne, ronde ou grosse tout dépend du point de vue, pas particulièrement belle, recherche mec beau grand virile. Je ris seule. Ma sœur, n’a contrairement à moi jamais eu de problème de poids. Elle est même parfaite. Elle est belle, grande. Elle a tout pour elle. Et elle est pédiatre. Mike est cardiologue.


    Je refuse les notifications et la fenêtre s’ouvre enfin.


    Dire que je suis incapable de parler à mon voisin d’immeuble mais que j’arrive à tenter ma chance sur une plateforme virtuelle pendant ma quarantaine. N’importe quoi !


    Rapidement des dizaines d’hommes viennent me parler. Forcément ils ne savent pas comment je suis. Je les sélectionne rapidement. Tous ceux qui écrivent une salutation avec des fautes sont virés d’office.


    « Sa va ? ca vas, sava... » Je n’ai pas fait beaucoup d’étude, mais je me débrouille pas mal en français. Je commence des conversations avec plusieurs mecs. Je jongle avec sept hommes. Aucun ne semble digne d’intérêt. Entre le monsieur m’as-tu vu et le sexiste, je ne sais plus où donner de la tête. J’hallucine !


    Au bout d’une demi-heure, je m’apprête à fermer ma fenêtre quand je reçois un message.


    — Salut Miss, apparemment nous sommes voisins. Rassure-moi tu n’as pas visité une zone à risque ?


    Ce message n’a rien d’exceptionnel mais il est marrant.


    J’explose de rire. J’en avais bien besoin, je crois. Et c’est bon signe.


    — Figure-toi que si !

    — Non, sérieux ? Moi qui voulais faire une blague pourrie.

    — Elle est réussie.

    — Vraiment, tu la trouves bien ?

    — Bien sûr que non, elle est nulle.


    Il ne répond pas. C’est vrai qu’elle est naze mais j’ai tout de même ri. Je relance la conversation. Mon commentaire a dû le refroidir.


    — Mais j’ai quand-même ri. Sinon je m’appelle Jessica et je rentre de Chine.

    — Oh, toi aussi ?

    — Très drôle !

    — Non, non, je suis sérieux. Moi aussi, je suis en quarantaine. Je suis rentré il y a six jours.


    — Non ? Moi aussi. Nous étions dans le même avion donc. C’est marrant, le monde est petit.


    Je l’entends respirer bruyamment.


    — Au fait, je m’appelle Thomas.

    — Enchantée, Thomas.

    — Moi aussi, Jessica. Je m’en doutais vu ton pseudo.


    Le sien tot40 ne m’inspire rien du tout...


    — Alors qu’as-tu visité là-bas ? lui demandé-je.


    — Je t’avouerais que je n’ai pas eu le temps de visiter quoi que ce soit. J’y suis allé pour le boulot.

    — Ah oui ? Dans quoi est-ce que tu travailles ?


    — Je suis ingénieur. Je travaille à Total à la Défense. Je suis parti pour travailler un mois là-bas.

    — Un mois ?

    — Oui.


    A-t-il contracté la maladie ? Je n’ose pas lui poser la question... Il semble le sentir au vu de sa réplique.


    — Je t’entends... Vas-y pose-moi la question !


    Bizarrement mon cœur tambourine dans ma poitrine.


    — As-tu été malade ?

    — Quelle réponse tu préférerais ?

    — Ce n’est pas poli de répondre à une question par une autre.


    — Es-tu vraiment prête pour l’éventualité que je l’aurais eu ?


    — Je ne saurais répondre.

    — Oui. J’ai été déclaré malade du virus le soir de mon


    arrivée à Paris. Ce qui veut dire que je t’ai peut-être contaminée toi et d’autres personnes qui peuvent mourir par ma faute.


    Je ne réponds pas. Je songe à toutes les possibilités pour que moi aussi je sois contaminée par lui ou n’importe qui d’autre...


    — Je t’avais dit que tu ne serais sans doute pas prête


    pour ma réponse.


    Sa voix est triste.


    — Désolée, je cogitais.

    — À la façon de me congédier ?

    — Non, Thomas, je ne suis pas ce genre de femme.

    — Tu veux dire qui fuis à la première difficulté ?

    — C’est ça !

    — Donc on pourra se rencontrer du coup !

    — Ne mettons pas la charrue avant les bœufs... Tu es encore contagieux ?


    — Pendant encore dix jours il me semble, je suis assigné à résidence n’ayant pas de symptômes préoccupants. J’ai été hospitalisé deux jours. Donc largement assez longtemps pour ne pas te contaminer dans l’hypothèse que je ne l’ai pas déjà fait.


    Je réfléchis à tous les hommes sur lesquels mes yeux se sont posés durant ce vol. Il y a ce type en première classe, un beau métis qui m’a à peine regardé puis un ou deux beaux hommes en classe économique. Qui peut-il être ? À quoi peut-il ressembler ?


    Je n’oserai pas le lui demander. Je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler un top model. Aucun des 3 hommes mignons de l’avion ne me repèrerait pour sûr. En neuf heures, je les ai croisés plusieurs fois pourtant. Je soupire.


    — Tu es partie ?


    Le message me ramène sur terre.


    — Non. Excuse-moi, j’étais dans mes pensées.

    — À quoi pensais-tu ?

    — À toi !

    — Moi ?

    — Oui. Je me demandais à quoi tu ressemblais.


    — Tu veux une photo ?


    Mon cœur explose. Je meure d’envie de répondre à l’affirmative mais en même temps, si j’accepte il me demandera de lui en envoyer une aussi. Et je ne suis pas encore prête.


    — Et si nous attendions un peu. Je trouve ça excitant de parler avec un inconnu.

    — Je t’avoue que ça va m’émoustiller.

    — Tu seras peut-être déçu...

    — Ou pas...


    Inutile de répondre, car j’en doute.


    — Tu sais je n’ai pas de type prédéfini de femme.

    — Ah oui ? Tu vas me dire que tu aimes les grosses ?


    — Je ne me suis jamais posé la question. Pour moi c’est surtout une question de feeling, en fait.


    — C’est sans doute parce que tu es moche.

    — Sympa pour moi.

    — Excuse-moi. Je n’aurais pas dû.


    Et je suis mal placée pour le dire.


    — C’est parce que moi-même je le suis.

    — Quoi ? Grosse et moche ?

    — Oui.


    Il est muet quelques instants. Je m’inquiète mais il reprend : 


    — Tu ne trouveras personne en te ventant de la sorte.

    — Tu vois...

    — Cela ne me dérange pas qu’une femme ait des formes. C’est surtout dans la façon de le dire. Et en ce qui concerne la beauté, je pense que tout est une question de point de vue. Nous sommes tout beau et moche à la fois. Tout dépend pour qui.


    Bon c’est certain, il est moche.


    — Ça te dit d’échanger nos tel ? Nous passerions via WhatsApp ?


    J’accepte. Dix minutes plus tard, nous parlons de nous sur WhatsApp.


    Aucun de nous n’a de photo en profil de l’application. Je regrette un peu de ne pas avoir accepté de le voir en photo. Enfin, comme il n’est sans doute pas beau...


    — Pas de petit ami ?

    — Libre comme l’air et toi ?

    — Pareil.

    — Tu ne souffres pas ?

    — Non. Les courbatures ne sont pas cool, mais ça va.

    — Tant mieux. Et tu n’as pas perdu le goût, l’odorat. 

    — Un peu… Enfin ce n’est rien. Je ne doute pas que ça reviendra vite. 

    — Oui. 

    — En effet. Tu sais que je suis ingénieur. Et toi que fais-tu dans la vie ?


    J’hésite.


    — Je suis aide-soignante.

    — D’accord.

    — Pas trop déçu ?

    — Je devrais l’être ?

    — Je ne sais pas. Tu es ingénieur.

    — Et ?


    Je me sens un peu bête.


    — Je suis déjà tombée sur des mecs nuls.

    — En ce qui me concerne, je t’avoue que tout ce qui m’intéresse, c’est qu’une femme écrive relativement correctement et en ce qui te concerne, je n’ai pas à me plaindre.


    — Merci. Je n’aimais pas l’école, mais j’aimais bien le français.

    — On s’appelle ?


    Il ne perd pas le nord le mec. 


    — Euhhhh. Ok


    Je n’ai pas le temps de souffler que mon téléphone sonne.


    — Salut miss !


    Wahouuuu quelle voix !


    — Salut Thomas.

    — Tu pourras donc me soigner ?

    — Même pas en rêve, pervers.

    — Ohhh !


    Nous explosons de rire.


    — Tu ne crois quand même pas que je prendrais des risques ?

    — Tu as raison.


    Nous discutons de tout et de rien. Nous nous racontons nos vies.


    — Tu as une jolie voix. Je vais bien dormir cette nuit. Merci de passer autant de temps avec moi.

    — Tu es adorable, réponds-je.

    — Toi aussi.

    — À ton service.

    — Modeste la demoiselle. Au fait tu as quel âge ?

    — 26 ans et toi 40 ?

    — Euhhhh non. Je n’en ai que 32.

    — Waouh, tu es vieux !  

    — Sympa !


    Pour ne pas changer, nous rigolons.


    — Je ne m’ennuie vraiment pas avec toi.


    Je souris. Il ne me voit pas, pourtant je suis certaine qu’il le sait. Il hésite, je le sens.


    — J’ai l’impression que tu as une question à me poser.


    — Je ne voudrais pas te blesser.


    Ah ! C’est le moment.


    — Je t’écoute.

    — Tu en es sûre ?

    — Oui.


    — Je me disais que si tu laissais les commentaires d’imbéciles t’atteindre, est-ce que ce ne serait pas parce que tu n’aimes pas ton métier ? Ou si je peux me permettre, c’est peut-être parce que tu véhicules que tu n’aimes pas ton métier, sans doute malgré toi ? 


    Je prends le temps de réfléchir.


    — Absolument pas. J’aime beaucoup travailler avec les malades. Leur parler, les rassurer. J’aime travailler dans le domaine de la santé.


    —  D’accord ! Mais ?

    — Ma sœur est pédiatre.

    — Et ?

    — Tu le fais exprès ?


    — Moi, je ne vois pas le problème. À moins que ce ne soit toi qui fait un complexe d’infériorité par rapport à elle. Parce qu’elle est médecin, mais pas toi ? 


    Je ne réponds pas. C’est sans doute ça. Il en profite pour continuer. 


    — Ta sœur a bossé dur, elle n’a pas à rougir, et tu devrais être ravie pour elle. Pour autant tu gagnes ta vie et exerce un beau métier aussi. Tu contribues toi aussi à soigner des gens. Donc, tu as fait ton chemin, tu dois être fière de ça. Et l’avantage que tu as, c’est que si tu veux aller plus loin, rien ne t’en empêche. C’est aussi simple que ça.


    Il a raison, je n’ai pas à être jalouse de ma sœur. Elle mérite ce qu’elle a. 


    — Tu as raison. Les gens vont mieux nous respecter maintenant aussi.

    — Moi, je vous respecte en tout cas.

    — Merci. Ça fait du bien de t’entendre.

    — C’est sincère. Et ça ne date pas de cette semaine. Ça toujours été le cas.

    — Merci, chuchoté-je.

    — De rien. Sur ce, je vais te souhaiter une excellente nuit Jess26 !

    — Bonne nuit, Tot40.


    Nous raccrochons malgré nous. Non pas parce que nous le voulons, mais parce qu’il est deux heures du matin et que nous commençons à fatiguer.


    À 7h du mat, lorsque j’ouvre les yeux, je me rue sur mon téléphone. Rien. Il doit dormir. J’en profite pour ranger la maison. Si je n’étais pas revenue de Chine, j’aurais dû bosser. Mon boulot me manque. Je l’ai choisi parce que sans le bac, je n’avais aucune chance de devenir infirmière, mais travailler dans le domaine de la santé était essentiel pour moi. Ma sœur m’a soutenue. En commençant comme aide-soignante après quelques années, j’avais une chance de pouvoir devenir infirmière. Et c’est mon but à moyen terme. Je soupire. Midi et toujours aucune nouvelle.


    Nous ne sommes pas du même monde. Il a dû se rendre compte. Mon téléphone que j’avais laissé dans ma chambre pour éviter d’avoir à le mater toutes les minutes sonne. Je me rue persuadée que c’est lui. Enfin, ce n’est pas trop tôt !


    Mais en arrivant, je constate que c’est ma sœur.


    — Salut !


    À ma voix dépitée, elle comprend que quelque chose ne va pas.


    — Cache ta joie !

    — Excuse-moi !

    — Vas-y, raconte !

    — Il n’y a rien à dire.

    — Menteuse. Vas-y accouche je te dis...

    — Ok. Je suis allée sur le site dont tu m’as parlé et j’ai rencontré Thomas.

    — Ohhh !


    Je lui raconte toute l’histoire.


    — C’est génial. Il m’a l’air formidable, ce gars. Mais apparemment quelque chose cloche ?

    — On s’est parlé jusqu’à 2h du mat et depuis rien.

    — Il est peut-être hospitalisé ?

    — Très drôle !

    — Je ne sais pas moi. Il dort ?

    — Je ne sais pas. Mon métier ne...

    — Ça suffit. Ton métier est tout à fait honorable. Sois fière de ce que tu fais. Et s’il ne s’en rend pas compte, c’est un con ! 


    — C’est facile à dire quand on est pédiatre.

    — Je te trouve injuste. J’ai bossé dur pour y arriver. Je suis fière aussi de toi. Tu t’es accrochée pour réussir ta formation. Tu bosses dans le médical et c’est tout ce qui compte.


    C’est la première fois que je me rends compte que ma sœur est fière de moi.


    — Tu as raison. Je suis bête.

    — Je confirme.

    — Ohhh ! Et il a l’air génial. 

    — Alors pourquoi tu ne lui envoie pas un SMS.

    — Ça ne va pas, non ?

    — Alors comme ça, vous réclamez l’égalité de sexe, mais c’est forcément au mec de faire le premier pas ?


    Je souris.


    — Très drôle.

    — Ne perds pas de temps ma sœur. Appelle-le !

    — Je verrai.

    — Tu ne veux rien ? Car hier je n’ai pas eu le temps de passer.

    — Non. Ne t’en fais pas. Il me reste encore pas mal de choses.


    Elle me passe ma nièce qui baragouine 3 minutes avant que je ne raccroche. Elle est adorable. Elle a les yeux bleus de sa grand-mère paternelle. Sa peau caramel mélange de ma sœur, noire, et de son mari, métisse, John est juste magnifique.


    Je pose le téléphone. Si je n’ai pas de nouvelles ce soir, je l’appellerai.


    À 20h, je me pose. J’attrape mon portable et me décide à l’appeler. Je tombe directement sur sa messagerie. Tout est clair, non ?


    Ce mec m’obsède alors que je ne le connais pas. Pourquoi avoir passé autant de temps à discuter avec moi ? Que s’est-il passé ?


    J’allume mon ordinateur. Je ferme la page de tchatche sans la regarder. Je refuse d’y retourner. Si c’est pour retomber sur un gars comme lui, c’est mort. Je me sens blessée dans ma chair, dans mon cœur.


    Enfin, les quinze jours sont passés tant bien que mal et je peux reprendre le travail.


    Mon quotidien reprend ses habitudes.


    De nombreuses personnes arrivent dans notre service et nous tentons de prendre de bonnes résolutions. Les jours passent et se ressemblent. Je suis toujours aussi déçue. Je n’ai parlé qu’une fois avec lui, pourtant il m’a plu. Et surtout, il m’obsède. Peu importe à quoi il ressemblait, j’étais attiré par lui. Rien de physique c’est plus fort que ça.


    Voilà un mois que je suis rentrée, et dix jours que j’ai repris mon train-train.


    En arrivant à l’hôpital, un homme attire mon attention. Il est vraiment beau. Il a une peau bronzée. Il cherche quelqu’un.


    Son visage m’est familier. Je secoue la tête. On ne se connait pas et de toute façon, il n’est pas pour moi. Il doit sans doute travailler dans un service de l’hôpital. Je l’observe quelques instants quand nos regards se croisent. Il reste là, sans bouger. Il fronce les sourcils.


    Je secoue la tête et reprend la marche pour aller jusqu’à l’ascenseur. Je ne suis pas en avance. Je le dépasse. Quand on a sa tête, ce n’est pas étonnant qu’il ne soit pas subjugué par moi.


    — Jess ?


    Je me retourne, surprise.


    Cette voix ! Mes yeux s’ouvrent grands. Ce n’est pas possible.


    — Tho...mas ?

    — Oui.


    Mes yeux s’attristent.


    Mon cœur explose dans ma poitrine. Que fait-il là ? Je suis perdue.


    — Tu vas rire ou pas.

    — Ah ouais, réponds-je sèchement.


    Mon étonnement ayant laissé place à ma déception.


    — Il faut que tu saches. Quand je me suis réveillé, je suis allé prendre ma douche et mon téléphone est malencontreusement tombé dans l’eau. Impossible de le rallumer. Tonton numéro n’était pas encore mémorisé. J’ai tenté de te joindre via le site tchatche mais impossible, tu ne t’es jamais plu reconnectée. Je suis sorti de mon confinement la semaine dernière et depuis, j’écume tous les hôpitaux pour te trouver.


    Je n’arrive pas à analyse tout ce qu’il vient de me sortir. Il y a trop d’informations. Tout ce à quoi je pense c’est : Il est sérieux ?


    — Je suis désolé, si tu crois que je ne voulais plus te revoir.


    Je ne sais pas quoi dire. Je suis abasourdie. Je ne m’y attendais pas.


    — Tu dois être bien déçu, alors, dis-je en baissant la tête.


    Je ne le vois pas se rapprocher. Je vois juste sa main se poser sur mon menton et me relever la tête.


    — Pourquoi le serais-je ? J’espère que toi, tu ne l’es pas ?


    Très drôle ! il n’est pas du tout le mec pas très beau que je m’étais imaginée.


    — Tu plaisantes ? Tu es canon.


    Il explose de rire. Le beau métis en première est là devant moi.


    — J’ai fait beaucoup de sport ces derniers jours.

    — Oh ! Ta musculation est donc si récente que ça ?

    — Oui.


    Comment ne pas rire ?


    — Menteur.

    — Bon ok, j’aime bien faire du sport.

    — Comme tu le constates, ce n’est pas mon cas.


    — Je te trouve très charmante. Vu la façon dont tu t’étais décrite, je t’imaginais différemment et c’est une merveilleuse rencontre. Je ne te trouve pas non plus grosse. Enrobée oui, mais le terme « grosse » est exagéré. En ce qui concerne le sport, je t’initierai si tu le souhaites.


    — Quel sport ?


    Ses lèvres s’étirent.


    — À toi de choisir...


    Je regarde ma montre. Je suis en retard.


    — Tu dois y aller ?


    — Perspicace ! Oui. As-tu un nouveau téléphone 

    — Oui. Qui peut vivre sans téléphone à notre époque ? 


    — Pas moi en tout cas. 


    Nous nous sourions. En quelques minutes, nous avons retrouvé la petite complicité qui est née le seul jour où nous avons discuté avant. 


    — Alors, je t’envoie un SMS dans la journée.

    — Super. À quelle heure finis-tu ?

    — 20h.

    — Je peux venir te chercher ?


    Je crois rêver.


    — Oui. J’en serai ravie.

    — Alors à ce soir.

    — Parfait.


    J’arrive dans mon service, comme sur un nuage. Tous mes collègues se questionnent. Ma responsable ne me pose aucune question concernant mon retard. Ce qui est étrange.


    — C’est le beau gosse au rez-de-chaussée qui te met dans cet état ?


    Je me tourne vers ma collègue, Jeanine.


    — C’est toi qui lui as dit que je bossais ici ?


    — Il recherchait désespérément une certaine Jessica de 26 ans, aide-soignante. Il n’avait pas beaucoup de renseignements. Je lui ai dit qu’il y en avait bien une en effet qui commençait à 9h.


    — Merci.


    Je suis tellement heureuse qu’il est tombé sur elle.


    — Je savais pourquoi tu étais en retard, du coup je t’ai couvert.

    — Génial. Je te le revaudrai.

    — Je l’espère bien.

    — Ah.


    J’envoie un SMS à Thomas une heure plus tard qui me répond qu’il est ravi de me retrouver à 20h et qu’il était vraiment heureux de me connaître enfin.


    À 20h précises, je descends et il est exactement là où il était à mon arrivée ce matin. Son regard s’émerveille quand il m’aperçoit. Je suis touchée.


    — On va boire un verre ?

    — Je ne suis pas en état. Je dois aller prendre une douche d’abord.

    — Je te dépose ?

    — Chez moi ?

    — On peut aller chez moi. Mais à part si on va direct au lit, je n’ai pas de vêtements pour toi.

    — Dis donc, tu es un pervers en fait !

    — Je plaisantais. Je te promets d’être un véritable gentleman ce soir.

    — Ok.


    Il me raccompagne chez moi. Je me douche pendant qu’il m’attend. Je lui ai proposé un verre de jus de fruit qu’il a accepté et il regarde la télé.


    J’hésite entre plusieurs vêtements. J’opte pour une robe à manche mi longue, qui va jusqu’aux genoux et qui est fendue en bas des cuisses. Je me maquille légèrement et le rejoins.


    Encore une fois, ses yeux s’émerveillent.


    — Tu es sublime !

    — Vraiment !

    — Le Covid-19 a eu au moins un aspect positif.

    — Ah oui ?

    — On s’est rencontrés.

    — Oh oui. Je ne sais pas pourquoi je te plais.

    — Il n’y a rien à comprendre. Ta personne m’a séduit. Je ne m’attendais à rien. Juste à te rencontrer.

    — Je me disais la même chose après notre dernière conversation téléphonique.

    — Si tu savais comme j’ai eu peur de ne plus jamais te parler...

    — Je commençais à peine à faire mon deuil quand tu es apparu ce matin.

    — Vraiment ?

    — Oui.


    Il s’approche de moi. Je suis gênée.


    — J’ai envie de t’embrasser.

    — Je crois que je le désire aussi.


    Il m’embrasse et m’offre un baiser passionné digne de n’importe quel conte de fée. Nous avons encore tellement de choses à découvrir l’un sur l’autre… 



    Mesdames, acceptons-nous telles que nous sommes. Car nous sommes toutes belles et pour chaque femme, un Thomas existe.

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Friendzone

— Tu es encore en train de pleurer ?

Je lève la tête. Ma meilleure amie, Lucie, m’observe avec attention.

— Philip me manque.

— Si tu savais comme je le déteste.

Depuis que je suis avec lui, mes amis n’arrêtent pas de me consoler. Je l’aime tellement que je n’arrive pas à le quitter.


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    — Tu ne veux toujours pas m’en parler ?

    — J’ai trop honte.

    — Je suis ta meilleure amie. Tu ne devrais rien me cacher.

    Je ne sais pas vraiment quoi faire. C’est ma meilleure amie, je devrais pouvoir me confier mais je n’y arrive pas. La gêne due à cette situation est affreuse. Elle semble déçue. Déçue que je ne lui fasse pas assez confiance pour partager mon secret avec elle.

    — Philip a voulu que je lui fasse une gâterie !

    Elle sourit.

    — Et ?

    Pour elle, les choses sont toujours simples.

    — J’ai refusé bien sûr.

    C’est bien, non ?

    — Il m’a quittée. Je suis trop gamine pour lui.

    — C’est un con ! Tu as eu raison. Il ne la méritait pas sa gâterie...

    — Non, hoqueté-je...

    — Tu ne dois surtout pas te forcer.

    — Je n’en avais pas envie, non...

    — Tant mieux. Ce type est un imbécile !

     

    Une heure plus tard, me voilà allongée dans mon lit près de mon meilleur ami Luka.

    — Tu ne devrais pas te rabaisser.

    — Je l’aime.

    — Oublie-le ! Tu mérites tellement mieux.

    Je me glisse sur le côté, un bras maintenant ma tête pour l’observer.

    — Toi, tu as toutes les nanas que tu veux. C’est tellement facile. Je n’ai pas cette chance.

    — Elles ne m’intéressent pas.

    J’ai d’ailleurs toujours trouvé ça louche.

    — Ah bon, pourquoi ? Parce qu’elles te courent toutes après ? Elles sont si belles !

    — Selon quels critères de beauté ?

    Je rougis.

    — Bien le mien.

    — Pas selon le mien.

    — Je dois donc être bien laide à tes yeux ! Heureusement qu’on est amis et que je ne tenterai jamais rien avec toi.

    Il soupire et me regarde bizarrement.

    — Quoi ? J’ai dit une connerie ?

    — Non. Je vais rentrer. En tout cas, pense à ce que je t’ai dit. Tu es trop bien pour ce connard !

     

    Le lendemain matin, je retrouve Lucy en cours. Elle est si sérieuse ! J’ai envie de lui balancer une blague.

    — Lucy, j’ai cédé.

    Elle paraît déçue par moi.

    — Vraiment ?

    — Non. Je ne le pourrai pas. J’ai aussi pensé à Luka...

    — Luka ?

    Elle hausse un sourcil, surprise.

    — Oui, il pense que je vaux mieux que lui.

    — Il a raison.

    Elle hésite. Puis continue.

    — Tu sais, euh, Luka...

    — Oui ?

    — Comment le trouves-tu ?

    — Bien, c’est notre pote quoi !

    — Moi je te verrai bien avec lui.

    Je souris. Elle plaisante ? Je n’ai aucune chance avec lui. Je ne peux même pas expliquer comment il est devenu mon ami.

    Depuis nos 4 ans, nous sommes dans la même classe. Ça a dû aider...

    Aujourd’hui en terminale, peu de choses ont changé. Il plaît toujours autant et ne s’intéresse toujours pas vraiment aux filles.

    — Tu crois qu’il est homo ? lui demandé-je.

    Lucy manque de s’étouffer.

    — Tu es aveugle ou quoi ?

    — Ben quoi ?

    Elle ouvre la bouche. Puis la referme aussitôt. Ces cachoteries m’énervent.

    — En ce moment, je vous trouve tous les deux bizarres. Je ne comprends pas ce que vous essayez de me faire comprendre. Soyez clairs... Ça me saoule à la fin...

    — Je n’ai rien à dire !

    — Mouais.

    Elle fait la moue. Inutile de continuer. Je n’aime pas être en colère contre mes amis.

    — On va bouffer ? lui proposé-je.

    — Oui. J’ai la dalle.

    — Moi aussi.

    — Attends, j’envoie un SMS à Luka pour voir s’il est libre.

    — Pourquoi veux-tu qu’il nous rejoigne ? lui demandé-je.

    — Parce que c’est notre pote !

    — C’est tout ?

    — Bien oui.

    — OK, finis-je.

     

    Une demi-heure plus tard, Luka nous a rejointes. Nous allons à McDo et nous commandons des big mac. Lui et moi aimons la même chose. Notre menu est identique. Sprite, potatoes, Big Mac... Lucy est plus Macbacon, frites, Fanta. Ça en fait plus pour nous... Je prends aussi un Macflury daim caramel. Nous nous régalons.

    Après le repas, Lucy s’en va aux toilettes, nous laissant seuls, Luka et moi. Philip se pointe devant nous.

    — Tu n’as pas perdu de temps pour me remplacer à ce que je vois...

    Je suis offusquée par son attitude.

    — Tu plaisantes ? C’est toi qui m’as quittée, si je me rappelle.

    Luka s’approche. Il passe un bras autour de mes épaules. Je m’empresse de le retirer.

    Il semble en colère ou vexé, je ne sais pas trop. Moi, je suis gênée.

    Philip sourit.

    — Tu fais ça pour me rendre jaloux ?

    Je ne réponds pas.

    — Ça marche. Tu me manques, bébé.

    Je suis sur un nuage.

    — Ah !

    — Tu veux qu’on aille au cinéma, là ?

    Je tourne la tête vers mon meilleur pote. Il est obligé d’être compréhensif. Son regard est glacial. Il m’en veut ?

    Il sait comme je suis amoureuse de Philip. Il ne peut pas me faire cela...

    Il se lève, pose un billet et s’en va sans un mot. Je le regarde partir. Je ne sais pas quoi dire. Lucy revient à ce moment-là. Elle aperçoit Luka s’en aller. Elle m’observe et lui court après.

    Philip soupire.

    — On y va ?

    — Oui, chuchoté-je.

    Il attrape ma main et m’entraîne à sa suite. Je suis déçue par l’attitude de mes amis. Au cinéma, il n’y a pas grand monde. Je ne sais même pas quel film, on va voir. Philip n’est vraiment pas cool. Il m’a laissé payer ma place.

    J’hallucine. Il s’en rend compte.

    — Quoi ? Vous voulez la parité, il faut assumer.

    Il se fout vraiment de moi.

    Arrivés dans la salle. Elle est quasi vide. Nous nous installons et Philip me prend dans ses bras.

    Je suis aux anges. Je savoure ce moment. Je suis tellement rêveuse que je suis incapable de dire de quoi le film parlait.

    Il me raccompagne chez moi et me donne un baiser.

    — Je peux entrer ?

    — Mes parents sont là.

    — On ira dans ta chambre.

    Je ne doute pas de ce qu’il espère.

    — Je suis épuisée.

    — Déjà ? Tu n’as que 16 ans, il faut t’amuser un peu.

    — Oui. On en reparle demain si tu veux ?

    — OK

     

    Mes parents sont dans la cuisine. Je fonce directement dans ma chambre. Luka est allongé sur mon lit. Je souris.

    — Fais comme chez toi, surtout !

    — Tu n’es pas avec ton abruti ?

    — Ne l’appelle pas ainsi. Il est trop génial. Et non. Il est rentré chez lui. Tu ne m’en veux plus ?

    — Je ne peux pas t’en vouloir longtemps. Tu m’es trop précieuse contrairement à ce connard !

    — Ah ! Ah !

    — Un mec qui ne s’intéresse qu’à ta bouche, tu trouves ça sympa ?

    Je sais à quoi il fait allusion. Je ne lui en ai pas parlé. Lucy ! La traîtresse !

    — Si Lucy savait la fermer de temps en temps, cela m’arrangerait.

    — Tu mérites mieux que lui !

    — Ah oui, du genre qui ? Hein ? Parce que si tu ne l’as pas remarqué, les mecs ne se foulent pas pour sortir avec moi. Ce qui est normal, je ne suis pas terrible !

    — Arrête de te dévaloriser !

    — Tu es mon pote, tu ne vas pas me balancer que je suis laide. Si tu me croisais dans la rue sans me connaître, il est évident que tu ne te retournerais pas sur moi. Je ne sais même pas comment tu fais pour être mon pote ! Tu es canon, toi !

    Il sourit.

    — Cindy veut sortir avec moi !

    — Comme toutes les filles de l’école.

    — Toi aussi ?

    Il a un air limite lubrique.

    — Ah non ! Sauf Lucy et moi, bien sûr vu que nous sommes amis !

    Pendant une fraction de seconde, j’ai l’impression qu’il est déçu. Je rêve. Je secoue la tête et change de sujet.

    — Tu ne veux pas sortir avec elle ?

    — Non.

    — Pourquoi ? Elle est canonissime, comme toi. Vous iriez bien ensemble.

    Je ne suis pas convaincue. Il est trop bien pour elle. Il est trop bien pour toutes les filles avec qui il sort en fait...

    — Elle ne me plaît pas.

    — Tu plaisantes ? Je serais curieuse de connaître tes critères de beauté.

    — Tu veux vraiment le savoir ?

    Ses yeux pénètrent dans les miens.

    — Non, je serai sans doute trop dégoûtée, je ne veux pas savoir.

    Déjà que mon estime de moi est au plus bas, ça va m’achever.

    Il se redresse et plante à nouveau ses yeux dans les miens.

    — Tu es une fille super.

    — C’est ce que l’on dit aux moches pour ne pas les vexer.

    — Arrête de te sous-estimer.

    — Merci. Tu es un véritable ami.

    Je l’embrasse sur la joue et le prends dans mes bras. Son cœur bat la chamade. Je le repousse.

    — Ça va ?

    — Très bien, pourquoi ?

    — Je ne sais pas. Ton cœur bat si vite.

    Il reste silencieux. Je ne comprends pas. Nos yeux se scrutent. J’avale ma salive.

    — Vous descendez ?

    La voix de ma mère rompt ce moment bizarre. Cela m’arrange.

    — Viens ! lui proposé-je.

    Il se redresse et me suit.

    — Tu savais que j’étais rentrée, man ? demandé-je à ma mère.

    — Oui. On a entendu la porte avec ton père.

    — Ah OK.

    — En fait, ta mère avait peur que vous fassiez des choses salaces dans ta chambre.

    — Papa, hurlé-je d’un air dégoûté.

    — Ma chérie, c’est ton père. Tu sais qu’il s’inquiète pour rien.

    — Vous n’avez pas à l’être. Nous sommes les meilleurs amis du monde. Rien de plus.

    — C’est vrai, Luka ?

    Mon père se tourne vers lui qui n’avait pas pipé mot depuis ma chambre.

    — Oui, Monsieur.

    — OK.

    — Et puis, Luka a les plus belles nanas du lycée qui lui tournent autour et il ne veut sortir avec aucune d’entre elles. Les filles, ce n’est pas son truc, conclus-je.

    Luka qui buvait un verre de limonade servi par ma mère quelques secondes plus tôt manque de s’étouffer.

    — Je ne suis pas homo. Je ne m’intéresse simplement pas à tout ce qui bouge.

    — Tu as raison de te concentrer sur celle qui te plaît. Elle finira par s’en rendre compte, lui sort mon père en lui tapant l’épaule.

    Cette fois-ci, c’est moi qui manque m’étouffer.

    — Tu t’intéresses à une fille et tu ne m’en as rien dit ?

    Il regarde mon père comme s’il pouvait lui apporter de l’aide. C’est la première fois que je le vois aussi troublé. Qui peut être cette fille ? Lucy ? C’est vrai qu’elle est jolie. Non, nous sommes amis, ce n’est pas possible.

    — Tu sais ma chérie, les hommes ont parfois leur jardin secret.

    — Oui, je t’en parlerai en temps voulu...

    — Alors là, tu m’intrigues ! Elles te courent déjà toutes après. Pourquoi ne pas le lui en parler ?

    Il sourit tristement.

    — Elles ne me courent pas toutes après, tu exagères. Disons que je ne suis pas encore prêt.

    — OK. Je n’insiste pas.

     

    Le lendemain Philip est de retour. Il insiste pour rentrer chez moi.

    — Papa, Maman voici Philip.

    — Bonjour Madame, Monsieur. Je suis son petit ami.

    — Ah bon ? Elle ne nous a jamais parlé de toi, commence mon père sur la défensive.

    — C’est assez récent papa.

    — Rien de sérieux alors ! poursuit-il.

    J’ai du mal à le reconnaître.

    — On va dans ta chambre ? me murmure Philip.

    — Non ! chuchoté-je. Ce n’est pas une bonne idée.

    — Pourquoi ? On serait plus intimes.

    Mon père et ma mère nous observent. Je suis gênée. Mon père ne semble pas l’apprécier.

    Ma mère nous propose des cookies. On accepte. Nous restons dans le salon, ce qui ne plaît pas à Philip. Il finit par prendre congé.

    — Tu sors vraiment avec ce type ?

    — Papa, ça suffit !

    — Je ne lui donne pas tort. Il y a un truc bizarre chez lui ! Rien à voir avec Luka.

    — C’est mon ami d’enfance. Vous le connaissez depuis 1000 ans. Ce n’est pas comparable.

    — Justement, moi je te verrai mieux avec lui.

    — Je te le répète, c’est mon ami. Il n’y aura rien entre nous... Et puis même si j’en avais envie, vous savez qu’il a des vues sur une fille. Elle doit être trop belle ! Rien à voir avec moi !

    — Tu en es certaine ?

    — J’en mettrais ma main à couper !

    Ils secouent la tête et s’en vont.

     

    Ma relation avec Philip devient plus sérieuse. Je serai bientôt prête pour... Cela fait des jours que je n’ai pas de nouvelles de Luka. Il me manque.

    Je lui envoie un SMS.

    « Dis donc, tu te caches ? »

    « Quoi, je te manque ? »

    « Non. Je suis juste étonnée. Tu es toujours fourré chez moi d’habitude ! »

    « En ce moment, j’ai besoin de me centrer sur moi-même. »

    Je me demande quelle mouche l’a piqué.

    Je sors de ma chambre. Je prends la direction de la cuisine afin de prévenir mes parents que je vais chez lui. Je surprends une conversation qui m’arrête avant que je n’entre dans la cuisine.

    — Pourquoi s’est-elle entichée de ce Philip ? râle ma mère.

    — C’est à n’y rien comprendre. Elle a la chance d’avoir Luka.

    — Luka est extra et elle ne se rend pas compte qu’il est fou d’elle !

    J’encaisse leurs paroles.

    Il est fou de moi ? Mais, ce n’est pas possible. Je quitte immédiatement la maison. Je suis encore abasourdie quand j’arrive chez lui. Il ouvre. Il m’observe sans un mot. Il glisse ses mains dans les poches.

    — Tu joues les timides maintenant avec moi ? osé-je.

    — Non. J’attends que tu me dises pourquoi tu es là.

    — Je suis venue voir mon pote.

    — OK. Viens. On va dans ma chambre.

    — D’acc.

    Je le suis. Je ne sais pas comment commencer. Comment aborder la question. Et si mes parents se trompaient ? Et s’il ne m’aimait pas ? Inutile de perdre du temps. Autant aller droit au but.

    — Est-ce que tu es amoureux de moi ?

    Il baisse la tête.

    — Alors, c’est vrai ?

    Toujours silence.

    — Qui t’a dit cela ?

    — Je t’ai posé une question la première !

    — Tu...

    — Tu as la chance de pouvoir sortir avec n’importe qui et tu t’intéresses à moi ? La plus moche de toutes ! Je t’avoue que je ne comprends pas.

    — Si tu te voyais comme je te vois, tu ne dirais pas ça.

    Je rougis. Il est sérieux ?

    — Comment cela se fait-il que je n’aie pas remarqué cela plus tôt ?

    — Tu te dévalorises tellement.

    — Pourquoi moi ?

    — Parce que tu es la fille la plus formidable que je connaisse. Tu es tellement douce.

    Quand t’en es-tu aperçu ?

    — Depuis un bout de temps. J’en ai eu la certitude quand tu as commencé à sortir avec Philip. Je ne comprenais pas ce que tu faisais avec lui. Il ne te mérite pas. J’imagine que tu lui as...

    — Stop ! Non. Je n’ai rien fait avec lui encore.

    Il soupire soulagé.

    — Comment conçois-tu notre avenir ? me demande-t-il.

    Je m’assois près de lui en silence.

     

    Comment imaginez-vous la fin entre nos deux protagonistes ? Plutôt romantique ou dramatique ?

     

    Dans la vie, nous ne voyons pas toujours ce qui nous saute aux yeux. Observez et ne ratez plus celui qui pourrait-être votre âme sœur. Belles histoires à tous, chers lecteurs.



Rencontre dans le train

Que vous pouvez aussi découvrir en version interactive sur play.lisemarcy.com/


J’ai hâte de retrouver ma sœur. Elle se marie ce week-end. Partager ce moment riche en émotions sera génial. Et puis, qui sait, peut-être que le témoin de Max sera canon. Arrête de rêver ma vieille, à tous les coups, le mec, il sera moche et petit. Bref, pas du tout mon style. 

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    Elle habite à Montpellier, moi à Enghien, en banlieue parisienne. Ma sœur et moi ne nous sommes pas vues depuis les vacances de Noël, bien que, approche du mariage oblige, nous avons régulièrement communiquées via Facetime. 

    Cette matinée printanière est agréable. Je bénéficie du pont de l’ascension. Ainsi, je peux partir aujourd’hui mercredi 29 mai et les aider au mieux dans les derniers préparatifs. 

    Je me dépêche pour ne pas manquer mon train à la gare de Lyon. 

    Je me dépêche pour ne pas être en retard. J’habite en face de la gare. Je connais les horaires de passage du train par cœur et je suis toujours un peu en avance sur le quai. Aujourd’hui est un jour spécial. Je suis stressée. J’ai pris plus de temps que d’habitude. Lorsque j’arrive sur le quai, le train est déjà là. Ouf…  


    À Montpellier, il n’y a pas photo, les gens sont beaucoup moins speed et prennent vraiment le temps de vivre. Enfin, impossible de muter là-bas avant dix ou quinze ans. 

    Je m’installe, direction gare du nord. Puis RER D. Je prends le TGV à 10h25 et il est déjà 9h40. Si je rate le RER, je raterai à coup sûr mon train. Pas de panique, Marie. Tu portes bien ton prénom, non ? Allez, on croit au miracle. Enfin, nous arrivons. Je cours dans l’escalator. Deux minutes plus tard, j’arrive à quai. Le RER est à l’approche. Ouf. 

    À 10h17, je descends à gare de Lyon. Direction les trains grandes lignes. Je bouscule un mec. Mince. Il fait tomber un attaché-case en cuir, qui s’ouvre. Un tas de dossiers et feuilles s’éparpillent sur le sol. 

    Je m’excuse et m’en vais. 

    — Désolée. 

    Je le laisse donc se dépatouiller et file. À 10h21, je m’installe enfin sur mon siège, après avoir déposé ma valise dans l’espace prévu à cet effet. Je peux souffler. Merci Marie. Il n’y a personne à côté de moi, cool. Le wagon est blindé pourtant. J’ai vraiment de la chance. 

    Je sors un paquet de copies de mon sac. Un des derniers avant la fin de l’année. 

    J’ai une pensée pour le mec que j’ai bousculée. Je ne sais même pas à quoi il ressemble. Le train ferme les portes et nous partons. 

    — Il fallait que je sois placé à côté d’une folle !

    Je me rends compte que c’est de moi qu’on parle en levant la tête. Un homme en colère m’observe. 

    — Pardon ? demandé-je incrédule. 

    — Oui, je le répète, une folle ! 

    Il croise les bras. 

    Je suis en colère. 

    — On ne se connaît pas monsieur, bredouillé-je gênée. 

    Pourquoi cet homme me parle-t-il ainsi ? 

    — Vous m’insultez et c’est moi la folle ? 

    — Parce qu’en plus, vous ne me reconnaissez pas ? 

    — Je le devrais ? 

    — Oui ! 

    — Ah bon ? 

    Je dois calmer le jeu, tout le monde nous observe. J’en déduis que c’est mon voisin de siège. Le trajet risque d’être long. On ne perd surtout pas son calme dans ce genre de situations. 

    — Vous pourriez vous asseoir et m’expliquer ? J’ai horreur de me donner en spectacle. 

    — Vraiment ? Il fallait y penser avant de me bousculer ! 

    Il a haussé le ton. Pour sûr, tout le wagon l’a entendu. Je deviens rouge pivoine, en réalisant de qui il s’agit. 

    Je suis vraiment de mauvaise foi. J’en rigole intérieurement. 

    — Je me suis tout de même excusée, souris-je dans le but de l’apaiser.

    — Et pour vous cela suffit ? 

    — J’avais peur de louper mon train. D’habitude... commencé-je à me défendre. 

    Il m’interrompt. 

    — Trop facile. Et à cause de vous, j’ai failli manquer le mien. 

    La moutarde me monte au nez. Ce mec est vraiment désagréable. 

    — Ça vous arrive de ne pas couper la parole des autres ? rugis-je.

    — Ça vous arrive d’être aimable avec les autres ? répond-il.

    Je me rends compte du ridicule de la situation. 

    Je suis butée. 

    — Vous vous prenez la tête pour rien. Vous ne l’avez pas raté votre train. La preuve, vous m’enquiquinez depuis cinq minutes déjà… 

    Il est effaré. 

    Oui. Et puis, on ne répond pas à une question par une autre, c’est impoli ! dis-je fièrement. 

    — Dixit celle qui culbute les gens et ne s’excuse même pas !

    Il se donne toujours en spectacle. 

    Il fallait que ce type soit dans mon train. Pire encore, à côté de moi !

    — Et si vous commenciez par vous asseoir ? 

    Ses yeux brillent de malice. Il est amusé aussi par ces circonstances cocasses. 

    — Je dois vous avouer que... 

    — Allez ! Promis, je m’excuserai après de ne pas vous avoir aidé. 

    Ma petite moue a raison de lui. 

    — OK. 

    Il s’installe. 

    Il aperçoit mes copies et ajoute : 

    — Une prof ? Pas étonnant que les jeunes sont si impolis maintenant. 

    Je crois qu’il me cherche vraiment. On ne touche pas à mon boulot, sinon je mords. 

    — Vous êtes sérieux, là ? 

    — Bon, c’est vrai que c’est un peu cliché. 

    Je souris, lui aussi. Il dévoile de belles dents blanches. Je l’observe enfin vraiment. Il est pas mal du tout... Grand brun aux yeux verts, baraqué, chemise en cuir, pantalon jean, polo. 

    — Je suis terriblement désolée. Je ne suis pas ainsi d’habitude. 

    — J’ai du mal à vous croire. 

    — C’est juste que je suis attendue. Je ne voulais vraiment pas manquer mon train. 

    — Vous ne vous êtes pas dit que moi aussi, je pouvais être attendu ? 

    — Je n’y ai pas songé. 

    — Enfin. 

    — Et si je vous payais un verre pour me faire pardonner ? 

    — J’en dis que c’est une excellente idée. Et le moins que vous puissiez faire ! 

    Prends ça dans tes dents ! 

    — On ne se connaît pas, c’est tout de même sympa de ma part. Appréciez mon geste au lieu de le mépriser ! râlé-je.

    Il sourit. 

    — Surtout que je vais jusqu’à Montpellier. 

    — Ah, vous aussi ? soupiré-je. 

    Zut, je me rends compte trop tard du ton employé. 

    — Euhhhh dites-le, si je vous emmerde surtout ! me lance-t-il vexé. 

    — Non. J’étais juste surprise. Aucun souci pour moi. Au fait, je m’appelle Marie, me présenté-je afin de détendre définitivement l’atmosphère. 

    — Thibault.

    — Enchantée Thibault. On va le boire, ce verre ? 

    — Je vous suis.

    Il se lève et quitte sa place. Je range mes copies dans mon sac et sors à mon tour. Les gens nous regardent avec un sourire en coin. 

    Je prends les devants et nous voilà marchant vers le wagon-restaurant. Je sens qu’il me mate, même si je ne le vois pas. Ma robe semble soudain trop courte. 

    Je me dandine fière d’avoir opté pour des collants qui accentuent mes jambes fines. 

    — Tu es quand même bien foutu ! 

    Il n’a donc pas loupé mon déhanché. 

    Je ne relève pas. 

    Je n’aime pas l’alcool. Je suis plutôt soda. 

    — Un jus de pomme, s’il vous plaît Monsieur. 

    — Pareil, s’il vous plaît. 

    Nous nous installons au bar. Thibault me fixe un moment. 

    — Je peux savoir pourquoi tu m’observes comme ça ?

    — On peut dire que toi, tu es…

    — Folle ?

    — Non, plutôt directe. 

    Je souris. Ouf. Il ne me trouve donc plus folle. Je constate aussi qu’il est passé au tutoiement. 

    — Je suis pardonnée, alors ? 

    Le serveur nous serre. Nous le remercions. 

    J’hésite encore. 

    — Tous tes papiers qui sont tombés, j’espère ne rien avoir abimé ? 

    — Non. Il me faudra les remettre en ordre, tout simplement. 

    — Pour le boulot ? 

    — Oui. 

    — Tu bosses dans quoi ? 

    — Je suis architecte. 

    — Oh. Tu dois bien dessiner ? m’extasié-je.

    — Élémentaire, mon cher Watson. 

    — Tu te fous de moi ? 

    — Un peu oui. Tu dois aimer bosser avec les enfants ? poursuit-il, histoire d’enfoncer le clou. 

    — Je suis blonde, que veux-tu ? 

    — Une très belle blonde. 

    Comment ne pas rougir ? 

    — Oh enfin, un compliment ! 

    — Je sais en faire, quand on est sympa avec moi. 

    — Tu vas seul à Montpellier ? 

    — En gros, tu veux savoir si je suis en couple ? 

    Je n’y avais même pas pensé. 

    Je n’avais pas vu les choses ainsi. Enfin, il est pas mal. Autant le savoir… 

    — Euhhhh, non. C’est juste pour alimenter la conversation. 

    — Ah OK. 

    Il hésite quelques secondes et continue. 

    — Oui, mon mec m’attend là-bas. Il viendra me chercher à la gare. 

    Je manque m’étouffer. 

    — Ça va ? 

    Je me reprends immédiatement. 

    — Oui, oui. D’accord. 

    Il faut avouer que je suis déçue. Il était trop beau pour être célibataire de toute façon. Quel gâchis pour nous ! 

    — Et toi ? 

    Autant être honnête aussi. 

    — Eh bien, pas de petit ou petite amie qui m’attend. Je vais voir ma sœur. 

    Je ne lui parle pas du mariage après tout cela ne le regarde pas. 

    Il sourit. 

    — Étonnant, tu es quand même pas mal du tout. 

    — Mouais. 

    — Quoi ? 

    — Rien. 

    Le mec, il aime les hommes. Je ne suis clairement pas son type. C’est quoi ces réflexions, du coup ? 

    — Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? osé-je. 

    — Curieuse. Quelques années, oui. 

    — Et... 

    Je me tortille dans ma chaise. 

    — Tu veux savoir si je l’ai toujours su et bla bla bla... 

    Je rougis de honte. 

    — La réponse est oui. Mes parents ne l’acceptent pas. Nous vivons à 800km l’un de l’autre. Pour l’instant, ça nous convient. 

    — D’accord. 

    On ne voit pas le temps passer. Je suis tellement déçue d’arriver bientôt. Pourquoi ? Tu n’as aucune chance de toute façon. 

    Je ne l’ai quitté que quelques minutes pour aller aux toilettes.

    — On arrive dans moins d’une demi-heure. Tu n’auras pas corrigé ton paquet. 

    J’observe mes copies que j’avais ressorties en retournant à ma place. 

    — Tant pis. Le temps est passé bien plus vite ! 

    — Mes dossiers aussi ne sont toujours pas classés. 

    Je grimace, me rappelant que cela est ma faute. 

    Je soulève les épaules avec un sourire penaud, en guise d’excuse. 

    — Ne t’inquiète pas, je trouverai un peu de temps pour m’en occuper pendant ce long week-end. 

    — Je l’espère. 

    — Tu ne bosses pas le mercredi ? 

    — Non.

    — Instit ? 

    — Non, prof d’anglais. 

    — Ah oui, cool alors. Je me déplace souvent à Londres pour le boulot. J’aime bien la langue. 

    — Moi aussi. 

    — Tu enseignes à Paris ? 

    — Non, à Enghien. 

    — C’est marrant, j’habite à côté. 

    — Ah bon ? 

    — Oui à la Barre Ormesson. Je suis en face de la gare.

    — Une belle coïncidence, en effet. Moi je vis en face de celle d’Enghien. 

    Nous rigolons. 

    — On était destiné à se rencontrer. 

    — Dommage que tu sois déjà en couple, hein ! 

    Et puis, combien même il ne l’avait pas été, ça n’aurait rien changé.

    Il sourit, un peu moqueur. Forcément, il s’en fiche. 

    Je retrouve contenance. 

    Le train arrive à destination. Nous voilà à la gare Saint-Roch. Mon futur beau-frère est censé me récupérer moi et son témoin, apparemment célibataire et hétéro. Avec un peu de chance, il sera sympa aussi. J’oublierai rapidement Thibault. Je suis vraiment dégoûtée. Il me plaisait vraiment ! 

    — Nos chemins vont se séparer ici. 

    Coïncidence, coïncidence, hein ? Mais purée, pourquoi n’est-il pas célibataire et hétérosexuel ? 

    — Oui. Je te souhaite un bon séjour. 

    — Toi aussi. 

    Il m’aide à porter ma valise. Nous sortons du train. Nous marchons côte à côte. On dirait des condamnés qui marchent vers l’échafaud. Nos chemins vont en effet bientôt se séparer. Sans doute pour toujours. Je suis tellement triste. Bizarrement, je ressens la même déception de son côté. Je connais Thibault depuis à peine plus de trois heures et pourtant, j’imagine que tous les deux, nous aurions pu... S’il n’avait pas été... Stop. Lâche l’affaire. 

    — Au fait, que viens-tu faire à Montpellier ? me demande-t-il. 

    Je n’ai pas le temps de répondre. La voix de mon beau-frère résonne. 

    — Enfin, vous voilà ! 

    Il s’approche. Il m’embrasse. Puis, il prend Thibault dans ses bras et lui donne une tape dans le dos. 

    Je suis perdue. Il fait quoi, là ? Je m’apprête à lui expliquer que Thibaut ne m’accompagne pas, quand je comprends soudain.

    — C’est bon, alors, vous avez fait connaissance ? 

    Thibault est l’ami de Max ? Nous haussons tous les deux nos sourcils. Pas pour les mêmes raisons. 

    — Tu es la belle-sœur de Max ?

    — Tu es son témoin ? 

    — Oui. 

    — Ah zut ! 

    — Tu peux le dire !

    Il se tait et me fixe. 

    — Tu ne m’as pas dit...

    — Je te faisais marcher, ma belle. 

    — Tu es sérieux ? 

    Je me rends compte que le mec n’a pas cessé de me mentir. Mon visage se ferme. Il s’approche. Je le stoppe d’une main. 

    — Ne m’approche surtout pas. 

    — Je...

    — Non, je ne veux rien entendre qui sorte de ta bouche. 

    — Max, dépose-moi à mon hôtel, s’il te plaît. 

    — Qu’est-ce qui se passe ? 

    Il ne comprend pas, évidemment.

    — Il se passe que ton ami et moi étions côte à côte dans le TGV et qu’il m’a raconté que des bobards. 

    — Ah oui ? Du genre ? 

    — Il m’a fait croire qu’il allait voir son mec. 

    Max explose de rire. Moi je ne trouve pas ça drôle du tout. Mon égo en a pris un coup. 

    — Si je ne te plaisais pas, il suffisait de me le dire. 

    — Ce... 

    — Non, inutile. 

    — Thibault est très taquin, commence Max. 

    — Ne le défends pas, s’il te plaît. 

    Max se tait et lance un regard penaud à son pote. Nous voilà partis. Aucun de nous ne parle. Les deux hommes sont à l’avant. Moi je regarde le paysage pour ne pas avoir à l’affronter. Le week-end sera long. 

    Il me dépose enfin. L’atmosphère était pensante dans ce petit espace confiné. Thibault descend aussi. 

    — Moi aussi, je suis dans cet hôtel, me sort-il rapidement avant que je ne prononce un mot. 

    C’est bien ma veine ! 

    — À ce soir, Max. 

    — À ce soir, Marie. À tout’ Thibault. 

    — Ouais, mec. 

    Il s’en va après avoir gratifié son ami d’une accolade. 

    Je me rue à la réception pour ne pas avoir à lui parler. Je récupère mes clés et m’en vais sans un regard pour le beau Thibault. Pourquoi avoir menti ? J’aurais mille fois préféré qu’il me dise honnêtement que je n’étais pas son genre. J’ai presque envie de pleurer. 

    J’envoie un SMS à ma sœur, qui est au boulot, pour lui dire que je suis bien arrivée et que je déteste Thibault. Que Max lui racontera ! 

    Tu le détestes, hein ? 

    Je prends mon paquet de copie et commence à corriger. Autant trouver une activité plutôt que de cogiter.

    Au bout de trois copies, une feuille pliée apparaît. Ça vient d’où, ça ? Je la déplie et lis. 

    « Je suis désolé de t’avoir fait marcher, voire courir à certains moments. C’était un peu ma façon de me venger. Mouais, je sais c’est nul. Je suis un peu rancunier. J’espère que tu ne m’en veux pas trop ? Je suis bel et bien hétéro et célibataire. Max n’est que mon pote. Tu me plais vraiment. Si tu veux qu’on fasse plus ample connaissance voici mon numéro... » 

    Quelle belle calligraphie ! Il y a des petits dessins autour du texte. Un homme qui tient des fleurs et les offre à une femme. Puis, ils sont assis au restaurant, puis ils admirent un coucher de soleil. Quand est-ce qu’il a eu le temps de dessiner et d’écrire ce message ? Je ne l’ai quittée que quelques fois pour aller aux toilettes. Cet homme est extraordinaire. Hors de question que je passe à côté de ça. Je me sens subitement bête et gênée. Tant pis !

    Je prends mon portable et compose son numéro. Je tente l’humour. 

    — Tu dois vraiment me trouver folle, non ? 

    — Un peu ouais, l’entends-je sourire. Pour autant, j’ai vraiment envie de faire plus ample connaissance avec toi. J’ai la certitude que les coïncidences ne mentent jamais. Qu’en penses-tu ? 

    — Pareil. Tu aimes jouer avec le feu ! 

    — On peut dire ça comme ça. Je peux venir ? 

    — Je t’attends... 

    Deux minutes plus tard, je referme la porte derrière lui... Il m’enlace et m’embrasse avec fougue. Waouh, je suis en émoi. J’ai des papillons partout dans le corps. Un début de relation à la fois excitant et tumultueux, mais surtout prometteur. Enfin, l’avenir est clairement devant nous. 



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Chloé rencontre en croisière Histoire 1

Quelle idée j'ai eue de partir seule en croisière ! Une chambre seule avec un grand lit. Il faut dire que tout m'est offert. Alors même si je ne suis pas accompagnée, je ne le regrette pas une seule seconde. J'ai 34 ans et je gagne très bien ma vie. Et puis, je n'ai ni mari, ni enfant,

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    donc je peux me permettre de partir à ma guise quand je le souhaite. Je quitte Paris en train le 20 juin à 10h40. Quatre heures plus tard, je me balade dans Marseille. Je suis à une terrasse du Vieux port en train de siroter un mojito. Quel régal ! Puis, je rejoins ma location Airbnb.

    Un studio en plein centre-ville tout à fait abordable pour le lieu. À 16h précises, je suis devant l’immeuble. Il est assez ancien, mais en très bon état. La propriétaire m’attend. Nous pénétrons dans le logement entièrement rénové. J’ai même droit à une superbe vue sur Notre Dame de la Garde.

    — Votre appartement est une pépite, lui dis-je.

    — Merci bien, me répond-elle.

    Puis, elle s’en va me laissant jouir de mon studio à ma guise. La salle de bain avec les toilettes intégrées est assez petite, mais cela me conviendra pour un jour. La kitchenette n’égale pas ma cuisine à la maison. Évidemment, puisque je me suis construit la maison de mes rêves.

    Je me douche. Il fait si chaud. Puis, je me commande une pizza avec un coca. Je connais la ville de Marseille. J’y suis venue plusieurs fois.

    La nuit passe vite. Me voilà au port. Je suis accueillie en VIP. J’ai une carte de membre et je peux monter en priorité. Tout semble si simple. Le début d’embarquement est prévu à 14h. En ce qui me concerne, je ne suis pas n’importe quelle Guest, alors on vient m’accueillir et m’invite à monter dès mon enregistrement. Après une demi-heure apparemment, nous sommes tous là. Le capitaine nous accueille et commence son discours.

    — Chers amis, je vous remercie tous d’être présents. Aujourd’hui, c’est l’inauguration de notre navire Athéna. Ce bijou est un peu le nôtre à tous. Vous avez tous œuvré pour en faire le plus beau bateau qui soit aujourd’hui. Pour la première fois, il partira en mer. Merci à tous pour ce superbe travail et surtout n’hésitez pas à nous faire part de tout problème que vous constaterez. Bon séjour à tous et bon appétit.

    Tout le monde applaudit et nous nous rapprochant de nos tables. J’ai repéré mon nom en arrivant. J’ai entrepris un tour subtil qui m’a permis de gagner du temps.

    Je ne connais personne. J’ai été plusieurs fois en Italie pour partager mes croquis avec le responsable des productions. Je n’ai rencontré personne en dehors de lui. Je jette donc un coup d’œil à la vingtaine de personnes sollicitées pour mener à bien ce projet. Il est incroyable de se dire que nous avons tous contribué à construire le Athéna.

    Un homme apparait dans mon champ de vision. Il est charmant. Son regard se pose sur moi. Il me fixe quelques secondes, puis m’observe de haut en bas. Il semble apprécier le spectacle. Je me détourne et m’empresse d’aller à ma table, si je ne veux pas que mes jambes devenues flageolantes me lâchent. À peine assise, il s’approche de moi. Mon cœur bat la chamade. On dirait une adolescente. J’ai beau me sentir gênée, c’est plaisant de plaire.

    — Bonsoir, se présente-t-il en se glissant à côté de moi.

    — Bonsoir, réponds-je la gorge sèche.

    — Nous sommes côte à côte. Quelle incroyable coïncidence !

    — En effet, Monsieur… MacTample, lis-je sur le marque place.

    — Enchanté, Miss...

    Il se tourne vers mon nom avant de poursuivre.

    — Miss Flemin.

    J’acquiesce et déglutis. Il a une voix que je qualifierais de waouh !

    — Contente de vous rencontrer.

    — C’est réciproque.

    — Merci.

    Je suis si intimidée. Je ne sais pas quoi ajouter.

    — Vous avez travaillé sur quel étage ?

    — Le dixième et vous ?

    — Le 6e.

    — Chouette.

    Mes phrases sont courtes de peur que ma voix trahisse mon trouble.

    — Nous sommes des chanceux.

    — Oui.

    — Vous allez toujours vous contenter de phrases courtes ?

    Il sourit de sa remarque.

    — Je ne suis pas très bavarde.

    — Vous êtes certaine d’être une femme ?

    — C’est une remarque sexiste, cher Monsieur MacTample.

    — Enfin une phrase longue. Cette remarque sexiste, comme vous dites, vous a tout de même déridée, c’est bon à savoir.

    Le serveur apparait et nous demande ce que l’on veut boire. Je constate que les six autres invités à notre table se sont, eux aussi, installés.

    Nous commandons tous du vin.

    — Au fait, appelez-moi Steven.

    — Moi, c’est Chloé.

    — Tu es française, n’est-ce pas ?

    Le passage de l’anglais au français entraine le tutoiement.

    — Oui. Et toi ? Irlandais ?

    — En effet !

    — Tu parles bien le français pour un Irlandais !

    — Merci. J’ai fait une partie de mes études en France.

    — Ah, cela se comprend mieux.

    — Tu es belle, Chloé.

    Je rougis instantanément.

    — Merci, Steven. Comment as-tu été recrutée ? lui demandé-je tout de go.

    — Ma boîte a reçu l’appel d’offres. On était 4 dessus et c’est moi qui ai été choisi. Ils ont bien fait puisque j’ai été sélectionné parmi les 1000 postulants. Et toi ?

    — Disons que j’ai monté mon cabinet avec mon frère. On a reçu l’appel d’offres. Ça ne l’intéressait pas. Il était sur un gros projet à Paris. Il m’a laissée tenter ma chance. Et tant mieux aussi. Cela nous a bien rapporté, mine de rien. Et là, le all inclusive. Quel bonheur !

    — Je confirme. Ton frère doit être limite jaloux, non ?

    — Oh oui !

    — Avez-vous eu le contrat qu’il convoitait ?

    — Oui. Il a assuré.

    — Ça va, alors ?

    — Carrément. Surtout pour un petit cabinet comme le nôtre. Nous commençons avec un beau palmarès.

    — Super. Où travaillez-vous ?

    — Dans le 17e arrondissement de Paris. Et toi ?

    — À Dublin.

    Je soupire. Le mec, il est canon ! Mais il n’y a rien à attendre de lui.

    Il m’invite à danser. Nous dansons, discutons. Nous nous promenons même sur le bateau ensemble. C’est un plaisir d’être avec lui. Il me raccompagne devant ma chambre vers minuit. Un baiser sur le front et il s’en va. Je suis excitée comme une puce. Non seulement il est vraiment pas mal, mais il est attentionné. C’est l’homme de mes rêves... Ma nuit est agitée. Je pense beaucoup à lui.

     

    Le matin, je prends une douche rapide et vais manger.

    Je remplis mon plateau de toutes sortes de délices et m’installe à une table. Cinq minutes plus tard, il apparait devant moi et me demande s’il peut m’accompagner.

    — Avec plaisir.

    — Bien dormi ?

    — Ça va !

    — Ah ! Tu es insomniaque ?

    — Non.

    — Tu n’as donc pas cessé de penser à moi. Avoue !

    Je rougirais comme une pivoine si j’étais blanche.

    Il sourit, ravi.

    — J’ai vu juste. Si ça peut te rassurer. J’ai passé la même nuit que toi !

    — Parce que tu pensais à moi ? m’enquiéré-je abasourdie.

    — Oui. Ça t’étonne ?

    — C’est grisant en tout cas.

    — Après le petit déjeuner, que dirais-tu de se faire masser ensemble ?

    — J’adore l’idée.

    Ce moment de massage est intense. Nous nous tenons la main. Je me sens si heureuse. Puis, nous allons au spa. Et nous nous dorons au soleil. Lorsque nous parlons, nous alternons entre le français et l’anglais. Ce soir, il m’accompagne à nouveau dans ma cabine. Pour mon plus grand bonheur, il n’en sort que le lendemain matin.

    Il va se préparer dans sa cabine et me rejoint. Nous prenons le petit déjeuner et sortons guetter les éventuelles anomalies. Rien d’inquiétant à nos deux étages. Nous faisons un rapport au capitaine et profitons du beau temps.

    — Que dirais-tu de sortir ? Je me promènerai bien dans les rues de Palerme, me propose-t-il.

    — Moi aussi. Tu connais ?

    — Non. C’est une découverte. Elle n’en sera que plus belle en ta compagnie.

    Il m’observe.

    — Tu es magnifique quand le rouge te monte aux joues.

    — Tu te moques de moi ?

    — Non. Mais je suis attiré par les noires.

    — Ah, je ne suis pas la seule qui...

    — Chut. Tu en vois d’autres, là ?

    — Je n’ai pas vraiment regardé.

    — Je t’assure que tu es unique.

    Je souris.

    — OK !

    Je ne vois pas la semaine passer. Elle est exceptionnelle. Il nous reste encore une semaine ensemble.

    Nous déjeunons. Une annonce passe.

    — Monsieur MacTample. Madame MacTample vous attend à la réception.

    Il sourit. J’ai l’impression d’être dans un cauchemar. Le rêve se termine et le choc n’en est que plus terrible. Mon cœur se serre. Je comprends qu’il s’est moqué de moi pendant une semaine. Je me lève telle une automate.

    — Ça ne va pas ?

    — Tu plaisantes ?

    Il comprend enfin.

    — Laisse-moi t’expliquer !

    Il semble dépité. Comme si cette visite n’était pas prévue. Apparemment sa femme lui a fait une surprise qu’il ne semble pas apprécier. Comme j’ai été bête ! Comment un homme aussi beau pourrait-il être célibataire. Sa femme doit être aussi belle que lui.

    Je suis vraiment déçue.

    — Il n’y a rien à expliquer. Tout est limpide, non ?

    Il s’apprête à parler. Je refuse de l’écouter. Je m’enfuis dans ma chambre.

     

     

    — Chloé !me hurle-t-il.

    Je ne me retourne pas. Je cours et j’arrive le cœur palpitant. Ma valise est vite rangée. Je ne peux plus rester sur le bateau. Hors de question que je le croise avec sa femme. Je suis tellement bouleversée. Je rassemble rapidement mes affaires et me dirige vers la réception. J’insiste pour quitter le bateau. Mon état joue en ma faveur. Je leur dis que je ne suis plus en mesure de rester, que j’ai de graves problèmes familiaux à gérer. Le capitaine comprend et accepte de me laisser débarquer. Nous sommes à Marseille. Je sors. Il fait chaud. Je prends un taxi qui m’amène à la gare. Je réserve un billet de train et attends mon départ. Cinq heures plus tard, je pénètre dans ma maison plus abattue que jamais. Je me sens seule et naïve. Comment ai-je pu croire en ses belles paroles ? Quelle énorme déception ! Je me douche, m’allonge et pleure toutes les larmes de mon corps. Je reste toute la semaine à végéter comme une loque. Il n’a même pas essayé de me contacter ! Et pourquoi ? Pour me dire qu’il est désolé ? La blague ! Qu’est-ce que ça changerait, hein ?

    Je reste enfermée le reste de la semaine chez moi. Le lundi suivant, je me prépare et masque mes cernes avec de la crème et du fond de teint.

    — Alors Chloé, comment s’est passé ton voyage idyllique ?

    Le sourire de mon frère, Matt, me fait chaud au cœur. Hors de question que je gâche tout.

    — Merveilleusement bien, mens-je.

    — J’imagine. Le voyage de toute une vie.

    En milieu de matinée, la pluie commence à tomber. On pourrait croire qu’il reflète mes pensées, d’une tristesse limite mortelle.

    Je me noie dans le travail.

    — Chloé ?

    — Oui, Jérôme ?

    — Quelqu’un demande à te voir.

    Sans doute un nouveau client. Je feins l’enthousiasme en y allant. Je masque mon visage d’un entrain que je n’ai pas. Arrivée dans notre petite salle de réception, je commence :

    — Bonjour, je... Au moment où il se retourne, je me tais, sous le choc.

    — Il faut que l’on parle !

    Sa voix est chaude, mais ferme.

    — Il n’y a rien à ajouter. Les choses étaient claires.

    — Absolument pas. Tu ne...

    — Pourquoi es-tu venu ? Pour m’humilier ?

    — Tu n’y es pas du tout.

    — Vraiment ! ironisé-je.

    — Tu crois que j’aurai perdu mon temps à venir jusqu’ici sans une bonne raison ?

    — Je n’en sais rien !

    — Je n’ai pas l’intention d’écouter ton baratin !

    — Je viens de me taper plus de 700 km pour te voir donc oui, tu vas l’écouter mon baratin.

    Je me tais et attends.

    Il avance une main vers moi. Je la repousse.

    Il glisse ses deux yeux bleus sur moi. Je ne peux m’en détacher. Il soupire.

    — Sara-Jane n’est pas ma femme.

    Comment peut-il mentir aussi effrontément ?

    — Ah oui, alors qui est-elle pour toi ?

    — Ma sœur !

    — Ben voyons !

    Il lève un papier qui semble être la photocopie d’un passeport.

    En effet, il est stipulé qu’il s’agit de son nom de jeune fille. J’ouvre des yeux ronds.

    — Mais...

    — Elle n’était pas prévue sur le bateau. Elle vit en France. Elle voulait me faire la surprise. Elle était fière du travail de son frère et voulait le découvrir.

    — Pourquoi ne pas...

    — Tu ne m’en as pas laissé le temps. Elle m’attendait. Tu m’en voulais. Je me suis dit que je te retrouverai dans le bateau plus tard pour t’expliquer. Je t’ai cherchée. Ce n’est que le lendemain à force d’insister que l’on a fini par me dire que tu avais débarqué à Marseille, la veille. Je dois t’avouer que cela ne me serait pas venu à l’idée, car nous avions une mission. Je n’ai pas pu me résoudre à quitter le bateau plus tôt.

    Je me sens gênée, voire honteuse.

    — D’une part parce que mes patrons comptaient sur moi et aussi parce que c’était aussi le cas de la compagnie.

    — J’étais beaucoup trop bouleversée.

    — Pourquoi ?

    — Parce que...

    — Dis-le ! Je viens de faire tous ces kilomètres pour te retrouver. Je mérite de le savoir, tu ne crois pas ?

    — J’ai eu un véritable coup de foudre pour toi.

    Je baisse la tête, gênée.

    — C’est réciproque. Je ne sais pas ce qui va se passer pour nous, mais j’ai eu un véritable coup de cœur pour toi. Tu m’as tant manqué !

    — Moi aussi.

    — Nous avons des têtes de déterrés. Ma sœur s’excuse un million de fois. Elle s’en voulait. Elle m’a encouragé à te retrouver. « Une femme ne s’enfuit pas si l’homme ne lui plaît pas terriblement. » Elle m’a conforté dans mon idée.

    J’approche mon front du sien.

    — Qu’allons-nous faire ?

    — Je vais démissionner et chercher du boulot à Paris.

    Je relève la tête.

    — Tu es sérieux ?

    — Oui ! Je ne doute pas une seule seconde d’être heureux avec la plus belle chiante que je connaisse.

    J’explose d’un rire communicatif.

    Nous quittons la petite salle. Je retrouve mon frère, décidée à lui dire que je prends mon après-midi.

    Il nous observe tous les deux en silence. Puis, il ouvre la bouche.

    — Avec tous nos contrats, nous allons devoir embaucher quelqu’un.

    — Ça tombe bien, Steven cherche du boulot !

    — Ah bon ? J’imagine que vous vous êtes rencontrés sur le bateau ?

    — En effet. Tu imagines bien.

    — OK. Tu comptes m’expliquer ?

    — Ce soir vient dîner à la maison. On te racontera tout. Pour l’heure, je prends mon après-midi. Je te promets de rattraper mon retard dès demain.

    — OK. Filez !

    Nous sortons du cabinet. Il fait chaud.

    — On fait quoi ?

    — On va chez moi. On a du temps à rattraper, sors-je d’un air mutin.

    Nous rentrons chez moi, certains que peu importe l’avenir, nous ne le regretterons pas.



Amendez-moi !

— Je te promets que ce n’est pas ma faute, Nat. 

— C’est toujours la même chose avec toi ! Tu as toujours une bonne raison. Mais putain, tu as 25 ans, quand est-ce que tu vas grandir et enfin devenir une adulte ? 

Elle soupire. Sa voix a beau être faible, quand elle hurle, c’est désagréable. Je me sens nulle, rabaissée. Je ne suis qu’une abrutie ambulante... 

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    — Je me dépêche. 


    — On vous attend.


    Elle me raccroche au nez. 


    Je suis en retard, Natalie, ma grande sœur, m’en veut pour ne pas changer. Depuis ma naissance, je suis une déception pour ma famille. C’est limite si je n’aurais pas dû naitre. Ce sentiment ne me quitte jamais depuis mon enfance. Je sens la tristesse m’envahir à nouveau. Sans oublier que je ne tombe que sur des mecs chelous et... 


    Un klaxon me sort de ma torpeur. Oh putain, il ne manquait plus que ça ! 


    L’homme à moto me fait de grands gestes pour que je m’arrête. 


    Je me gare sur le bas-côté. 


    — Mademoiselle, vous rouliez... 


    Je suis dégoutée. 


    — Écoutez Monsieur l’agent, je reconnais tout ce que vous avez à me reprocher, mettez-le-moi rapide ! 


    Ses yeux bleus prennent une teinte différente et son regard devient plus doux. 


    — Je ne vous connais pas. Je vais me contenter de vous l’écrire si vous le permettez ! 


    Il sourit. Je suis stupide, mais je ne comprends pas ce qu’il a dit. Il s’en rend compte à sa réplique cinglante. 


    — Excusez-moi, je ne savais pas que vous étiez blonde ! 


    — Ah ah, très drôle. Ça vole haut dans la police. 


    Je suis clairement en colère. 


    — Je plaisantais. Je parlais du PV, je ne vais pas vous le mettre. Je me contenterai de vous l’écrire. 


    Ça fait tilt et je comprends. Je rougis. En aucun cas, mes paroles avaient une connotation sexuelle. 


    — Ah les hommes tous des pervers à ce que je vois ! 


    Il relève un sourcil. 


    — Dans le genre cliché, on est maintenant à égalité, vous ne croyez pas ? Répliqué-je. 


    Il explose de rire. 


    J’observe ma montre. Je pose mes deux mains sur mon visage. 


    — Je suis déjà si en retard ! Si vous pouviez me l’écrire rapidement, s’il vous plaît ! 


    — Et où allez-vous pour mettre votre vie ainsi en danger ? 


    — Je roulais à quoi 60 au lieu de 50 ? Je ne suis pas non plus un dangereux criminel ! 


    — Non, mais la vitesse plus le téléphone, vous auriez pu percuter un piéton ou autre et là ça compte. 


    — Je suis désolée. Je vais chercher ma nièce à l’école et tout le monde me déteste, car je suis en retard. 


    — Vous n’exagérez pas un peu la situation ? 


    — Oh non ! soupiré-je. 


    — Papiers du véhicule, s’il vous plaît ! 


    Je les sors et les lui tends. Il contrôle la voiture, les papiers et commence à écrire son PV. 


    Je suis dégoutée. Je n’ai déjà pas beaucoup d’argent et ces PV ne vont pas arranger l’état de mes finances. 


    Il me tend le PV avec un petit papier. 


    — Appelez-moi. Je vous paierai votre PV, si vous m’inviter à déjeuner ! 


    Il m’offre un énorme sourire. Je me rends compte comme il est charmant. 


    — Quoi ? 


    — Allez-y, vous êtes très en retard. 


    Il fait un geste à son collège que je n’avais pas vu auparavant. Ce dernier se positionne et me remets dans le flux de la circulation. Ce qui me permet de gagner un temps considérable. 


    Pas le temps de réfléchir. Je m’engouffre et réduit ma vitesse. Je récupère Lucie avec 10 minutes de retard. C’est la dernière. Tous les autres enfants sont déjà partis. 


    — Je me disais bien que ce ne pouvait pas être sa mère ! J’imagine qu’elle... 


    — En effet ! la coupé-je sèchement. 


    Je ne l’aime pas trop l’institutrice de cette année. 


    Elle se permet toujours des réflexions. Je fais profile bas pour ma nièce et surtout pour Nat. Notre relation est déjà bien assez houleuse comme ça ! 


    — Viens ma chérie, on y va ? 


    Elle me suit en silence. Elle est préoccupée. 


    — On va rejoindre maman ? 


    — Oui. 


    Elle monte en silence. 


    — Tu crois que maman... 


    — Tout ira bien, tu verras ! 


    Je n’en suis pas aussi sûre que je tente de le faire paraitre. Je suis anxieuse. Nous arrivons quelques minutes plus tard. 


    — Enfin. 


    Le ton de reproche de ma mère m’horripile. Je reste muette pour ne pas envenimer la situation. Ce qui n’est pas mon genre. Ce n’est pas le moment. Tout simplement. 


    Tous les visages sont fermés lorsque nous entrons dans la chambre. Tout le monde me regarde avec désapprobation. Lucy court retrouver son père. J’attaque avant de leur laisser la possibilité de me fustiger. 


    — Wè, je sais que je suis en retard. Que voulez-vous, ce n’est pas à 25 ans que je vais changer. Je suis une perpétuelle source d’emmerdes pour vous. Dommage que je ne sois pas à ta place Nat. Je me serai laissé mourir, comme ça vous seriez tous mieux et plus heureux sans moi. D’ailleurs, je vais m’en aller. Tout le monde s’en fout de moi, de toute façon. 


    Je ne supporte pas de la voir. Je me tourne et pars avant que quelqu’un ne réplique. 


    Je cours, prends ma voiture et me dirige dans un bar. Je bois jusqu’à oublier. Puis, je monte dans ma voiture. Je ne peux pas repartir. Je m’apprête à m’allonger pour m’endormir quand je tombe sur le papier du policier. Une folie me prend. J’attrape mon portable et compose son numéro, puis trou noir. 


    Je me réveille. J’observe le lieu. Je suis stressée. Je ne connais pas du tout. Est-ce que quelqu’un m’a enlevée ? Est-ce que je suis au paradis ? Arrête de raconter des conneries. Je suis dans une chambre bien aménagée. Mais où suis-je ? Je quitte le lit et en ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec une jeune femme. 


    — Bonjour ! me dit-elle. 


    Je me rappelle avoir contacté le policier d’hier. Je ne me souviens pas de son prénom qu’il a noté sur la feuille. Ce n’est pas possible. Je suis dans un mauvais rêve. 


    — Bonjour. Je suis désolée, bredouillé-je. Je ne savais... pas qu’il était en couple... 


    — Vous parlez de Flavien ? 


    — Euhhhh oui. 


    — Oh non ! Nous ne sommes pas ensemble. C’est mon frère. 


    Je soupire, rassurée. Elle me sourit. 


    Une porte s’ouvre. Et le fameux Flavien en tenue civile apparait avec un sachet de viennoiseries et du pain. 


    Elle attrape un croissant et nous annonce : 


    — Bon, je vais vous laisser. À plus tard, mon frère. Au plaisir, Alicia. 


    Elle connait mon prénom ? La porte claque doucement. 


    — Je lui ai dit votre prénom. 


    — D’accord. 


    — Vous comptez m’expliquer ? me demande-t-il.


    Comment suis-je arrivée chez vous ? 


    — Hier soir vers 22h, vous m’avez appelé. Vous disiez que vous étiez saoule et que vous alliez dormir dans votre voiture pour ne pas avoir un autre PV. Déjà qu’avec tous vos soucis financiers, vous ne savez déjà pas comment payer celui-là. Ensuite, je n’ai rien compris d’autre en dehors du nom du bar où vous étiez. J’ai cherché l’adresse et suis venu vous chercher. Vous m’avez un peu fait flipper. Vous n’aviez même pas verrouillé les portières. Imaginez ce qui aurait pu se passer ! 


    — Je suis désolée, me contenté-je. 


    Je suis morte de honte. 


    — Pourquoi vous êtes-vous mise dans cet état ? 


    — J’en avais besoin. Hier, quand j’ai récupéré ma nièce, la maîtresse m’a subtilement engueulée. Ma mère aussi à mon arrivée à l’hôpital. 


    — Hôpital ? 


    — Oui. Ma sœur, la mère de Lucy est gravement malade. 


    Les mots se perdent dans ma gorge sèche. 


    — Vous voulez boire un café ? 


    — Non, un chocolat, s’il vous plaît.


    Il se lève et s’affaire à la tâche. Je l’observe. Il est vraiment pas mal du tout. Il est baraqué, grand blonds aux yeux bleus. Flavien est très gentil avec moi. 


    — Merci. Tu vis avec ta sœur ? 


    — On se tutoie ? se moque-t-il.


    — J’ai passé la nuit chez toi, on a dépassé le stade du vouvoiement, non ? 


    Il sourit me dévoilant deux belles rangées de dents. 


    — Non, elle vit à Tours. Hier soir, elle avait un concert à l’Arena. Elle a dormi chez moi. Elle repart cet après-midi. 


    — Ah ok. 


    Il se sert un croissant et m’en propose un. J’opte pour le pain au chocolat. Il attend que je finisse avant de continuer son interrogatoire. Nous nous sommes observés sans parler. Quelques fois, les mots sont inutiles. 


    — Quelle est la maladie de ta sœur ? reprend-il. 


    — Cancer de l’utérus. 


    — Oh ! 


    Il semble peiné pour moi. 


    — On le lui a retiré avant hier. 


    — Elle a combien d’enfants ? 


    — Un garçon de 8 mois, Edouard et Lucy qui a 8 ans. 


    — Quelle merde, ce microbe ! 


    — Oui, soupiré-je. 


    — Je comprends mieux pourquoi tu semblais préoccupée. 


    — Dans ma famille, ça va plus loin. Ma sœur a toujours été la préférée. Elle, petite fille parfaite. Alors moi, j’étais le vilain petit canard. Je n’ai pas fait d’études, je sors avec des connards. Je bois et je fume. 


    — J’imagine que ta sœur, elle, ne fait rien de tout cela. 


    — Elle et Tom, son mari, sont de brillants experts comptables. Ils ont monté leur boîte à la fin de leurs études, se sont mariés et ils ont eu leurs deux enfants. Puis, la maladie leur est tombée dessus. Hier, après une énième prise de tête, je leur ai balancé que je regrettais que ce ne soit pas moi qui soit malade. Qu’ils auraient pu se débarrasser de moi. 


    — Je ne connais pas ta famille, mais je doute que ce soit aussi simple ! 


    — Oh oui, tu ne les connais pas... 


    Il s’approche de moi et m’enlace. Je ressens comme une décharge. Je rougis. Je me rends compte que je suis en short et t-shirt. Il se repousse. 


    — Si tu te demandes si je t’ai vu nue… La réponse est pas encore. Je ne me serai pas permis. C’est ma sœur qui t’a changée. Rassurée ? 


    — Un peu. 


    — Tu veux que je t’amène récupérer ta voiture ? 


    Je n’ai pas envie de le quitter. Il le sent. 


    — Je te suivrai jusqu’à chez toi afin que tu puisses aller te changer. Puis, nous irons déjeuner ? Tu me dois un resto, non ? 


    Je souris. 


    — Cela me va ! Je préfère que l’on aille d’abord chez moi, puis nous récupérons ma voiture. 


    Nous prenons la route. Il vit dans un palace. Je dois le prévenir que moi, je suis en HLM. 


    — Chez moi, c’est plus modeste que chez toi. 


    — Et alors ? Est-ce bien grave ? 


    — Non. Je te préviens, c’est tout. 


    — D’accord. 


    — Tu bosses ? 


    — Oui. Je suis vendeuse. Toi, tu es gardien ? 


    — Pas exactement. Je suis lieutenant de police. 


    — Et tu mets des PV ? 


    — De temps en temps, je sors avec un gardien. J’aime bien. Ça me change du bureau. 


    — Ok. Il fallait que tu tombes sur moi. 


    — Tant mieux, non ? 


    — Oui. Je vais t’amener dans mon resto favori. Ça te va ? 


    D’après mes comptes, c’est le seul endroit où je peux l’inviter. 


    — Super. 


    Il risque d’être déçu… 


    En arrivant chez moi, je lui offre un café et je file me préparer. Nous repartons ensuite. Je n’ai pas vu la matinée passer. Je récupère ma Clio qui a 12 ans. Rien à voir avec son 5008 flambant neuf. Nous n’évoluons pas dans le même monde. 


    — Je la dépose à la maison et tu m’amènes au resto ? 


    — Ok. 


    — Je t’aurais proposé de prendre la mienne, mais je n’ai plus d’essence. 


    — D’accord. Ça tombe bien la mienne me permettra de t’amener où tu veux. 


    — Vraiment ? 


    — Dans la limite du raisonnable, bien sûr. 


    Il m’offre un clin d’œil. 



    Après plusieurs minutes où je lui explique la direction pour se rendre à mon resto préféré. Nous voilà garés. Il explose de rire. 


    — C’est donc ton resto préféré ? 


    — Bien oui. Je ne peux pas me payer de grands restos, moi, Monsieur. 


    — Donc tu comptes m’inviter à MacDo pour que je te paye ton amende ? 


    — Le deal c’était de t’offrir un resto ! Donc oui. 


    — Ok. 


    — On y va ? dis-je triomphante. 


    — Allons-y ! 


    À la borne, je commande pour moi, puis, lui laisse la place. Il semble sérieux. Quand il finit, il me cède la place pour que je paye. 


    Quoi ? Il se fout de moi ? 


    — Quoi ? Ça ne me nourrit pas MacDo. Je ne prends pas moins de deux menus quand j’y vais. 


    — Deux menus signatures, un MacFlury et un café long ? 


    — Bien ouais ! 


    — Ok ! 


    Je glisse ma carte bleue électron à l’emplacement prévu. Je ne suis même pas sûre qu’elle passera. Je commence une prière silencieuse. Il pose sa main sur la mienne et m’arrête. 


    — Le deal est annulé ! 


    — Quoi ? 


    — Je ne peux pas te laisser payer. Ne t’en fais pas pour le PV, je ne l’ai pas validé. Je l’ai même annulé. Je ne te connaissais pas, mais je savais que quelque chose clochait. Mon instinct ne m’a pas trompé. Et là, je sens encore que tu stresses. Tu m’inviteras dès que tu te sentiras plus à l’aise financièrement. Qu’en penses-tu ? 


    Cet homme est parfait. 


    — Je suis gênée. 


    — Ne le sois pas avec moi. Tu me plais vraiment. 


    — À moi aussi. Enfin, avec toutes les casseroles que je me traîne, tu vas vite fuir. 


    Il m’offre un sourire franc. 


    — Tu es encourageante, à ce que je vois ! 


    Je rigole. 


    — Pourquoi tu étais en retard, hier ? 


    — J’ai accepté des heures supplémentaires. J’essaie de passer du temps avec mes neveux. Du coup, j’ai pris trop de congés. Je n’ai plus d’heures. Les congés sans soldes, ça fait mal. J’ai épuisé mon quota. Si j’avais su... 


    — Comment aurais-tu pu le prévoir ? 


    — Oui. 


    — J’imagine que ta sœur n’est pas au courant ? 


    — Non. 


    Nous déjeunons. Il me parle de sa famille à Tours. Moi, de la mienne. 


    — Tu veux que je t’accompagne à l’hôpital. 


    — Vraiment, tu veux ? 


    — Oui. 


    — Merci, soufflé-je. 


    Une demi-heure plus tard, nous arrivons devant la chambre de Nathalie. 


    — Si tu comptes à nouveau nous faire ta crise d’ado, tu peux repartir, me balance ma mère sans un bonjour. 


    — Madame, vous pourriez laisser votre fille s’expliquer avant de l’agresser. 


    La voix de Flavien est ferme bien que calme. 


    Elle remarque enfin sa présence. 


    — S’expliquer ? Et vous êtes qui ? Un autre de ses junky ? 


    — Vous avez une si piètre opinion de votre fille que c’est tout ce que vous lui souhaitez ? 


    — Ce n’est pas grave Flavien. Allons-nous-en ! 


    — Non, hurle une petite voix faible. 


    Nous nous retournons tous. 


    — Maman, Alicia a raison. Tu as toujours montré que tu étais fière de moi. Jamais d’elle. 


    — Comment l’être ? 


    Je déglutis. 


    — Tu peux être certaine, Lili que ni maman, ni moi n’aurions souhaité que tu sois à ma place. Aucun parent ne peut espérer cela pour ses enfants. Maman t’aime, même si elle ne sait pas te le montrer. Tu as fait pas mal de conneries certes et elle s’est blasée. Mais tu l’as touchée hier. Elle a pleuré quand tu es partie. Et puis, tu n’as pas eu d’enfants. Je refuse de perdre ma sœur avant qu’elle ne me donne des neveux et des nièces. Et t’en fais pas, je vais me battre. Il est hors de question que je me laisse aller. Je vais combattre ce monstre qui tente de me ronger. Viens. 


    Elle me prend dans ses bras. Elle ouvre ses bras pour que notre mère nous rejoigne. 


    Elle nous embrasse les cheveux à chacune. 


    — Je vous aime plus que tout, mes bébés. Même si tu m’en as fait baver Alicia. Alors ôte-toi ces idées stupides de la tête, tu m’entends ? 


    — Oui, maman. 


    — Tu vas nous présenter ton ami ? Il doit vraiment t’aimer pour te défendre ainsi, me questionne Nat. 


    Je tourne la tête et nos yeux se mêlent. Y’a vraiment un truc entre nous. Y’a pas à dire. 


    — Je vous présente Flavien. Il est lieutenant de police. On s’est rencontrés hier. Il m’a mis un PV parce que je roulais trop vite et que je te parlais en conduisant. 


    Ma mère et Nat passent leurs yeux de lui et moi. Elles essaient de sonder si je plaisante ou si je dis la vérité. 


    — Alicia ne vous a pas menti. Elle est un vrai rayon de soleil. Je n’ai pas pu résister à son charme. J’espère qu’entre nous, ça marchera. 


    — Nous aussi, répondent-elles en cœur. 


    On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Pour autant, j’ai un bon feeling face à l’avenir. Il semble bien plus gai que mon passé...

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Pourquoi nous ?

Début 2018 

Nous sortons des urgences et après une batterie d'examens, les résultats viennent de tomber et je n'arrive toujours pas à y croire. Je comprends mieux pourquoi je suis si fatiguée depuis des semaines. Quand on a une vie presque parfaite, il faut toujours qu'un grain de sable s'insinue et complique tout. Mon homme est à côté de moi. Nous sommes rentrés chez nous en silence. 

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    Nous sommes assis sur notre canapé. Nous nous faisons face. Nous nous dévisageons. Aucun de nous n'ose parler. Il m'observe avec beaucoup d'attention. Je réalise qu'il ne sait pas quoi dire. Qu'y a-t-il à dire de toute façon ? Je touche mes cheveux. Certaines personnes les perdent. En ferais-je partie ? Cette idée m'effraie au plus haut point.


    Nous sommes autant abasourdis l'un que l'autre. Jamais nous n'avions imaginé ou envisagé cette situation. Je me sens trop jeune pour l'affronter. Pourquoi nous ? Hein ? Mon cœur bat la chamade. Je soupçonne le sien d'être, lui aussi, dans le même état. Il se pose sans doute autant de questions que moi. Les choses sont pourtant très claires et simples. Il n'y a rien à faire d'autre pour le moment que de patienter et de voir comment les choses vont évoluer. J'ai une grande appréhension. Il ouvre la bouche. J'ai presque peur de ce qu'il va me dire. Je retiens ma respiration tandis que lui prend son courage à deux mains et s'exprime.


    -- Qu'allons-nous devenir ?


    Que répondre à cette question ? Je ne le sais pas moi-même. Je n'en ai pas la moindre idée.


    Avant d'y penser laissez-moi vous parler de nous.


    Septembre 2007


    Le jour de ma rentrée, un mec sort d'une voiture teintée. On aurait dit une célébrité. Il était canon et il le savait. Un nouveau ! Il a balayé les alentours du regard. J'ai senti ses yeux telle une caresse sur ma poitrine. Il était gonflé ! Puis il a enfin levé la tête et m'a souri comme si de rien n'était. Ensuite il a détourné le regard et est entré dans l'enceinte du lycée.


    Ce mec ne me plaisait pas du tout même si je devais avouer qu'il était canonissime selon mes critères de beauté. Ce genre de playboy, ce n'était vraiment pas pour moi ! J'imaginais bien comme il devait être bête ! Tout en apparence et dans les muscles et rien dans la tête. Véronique ma meilleure et moi pouffons de rire. Nous savons ce que l'autre pense sans avoir à parler.


    Véronique est géniale et on s'adore toutes les deux depuis notre rencontre chez la nourrice à deux ans. Nous avons donc toujours été dans la même e. Elle une petite rousse rondouillette aux cheveux longs et moi une brunette aux cheveux courts, taille mannequin grande et fine avec une belle poitrine que j'ai appris à mettre en valeur. Nous sommes rentrées dans l'école en discutant de « beau gosse » et de sa stupidité.


    Monsieur le Directeur commence à appeler les élèves des secondes. Seconde 4 beau gosse est appelé. Waouh il a un sacré balancier ! Je n'étais pas attirée par les blonds en général, mais il fallait avouer qu'il n'était pas moche du tout. Et on pouvait se noyer dans ses yeux bleus couleur océan. Ainsi, il s'appelait Luc. Ça faisait bad boy. Oublie-le, ce mec va te mener à ta perte ! râla ma conscience.


    Puis vient le tour de Véro. On s'est regardées, choquées. Puis elle s'en est allée.


    C'était une blague ? Nous n'étions pas dans la même e ? Nous avons toujours été ensemble avant. Quel imbécile a fait les es ? La e est partie. Dommage, j'aurais vraiment aimé avoir Madame Tintot, prof d'anglais, comme professeur principale. Elle ou ce cher Luc ? N'importe quoi... Je me fichais de ce mec.


    On a appelé la seconde 5 et je n'ai pas compris. On m'a carrément zappée. J'ai couru voir la CPE qui était à côté de Monsieur Dormo, le Directeur et lui ai expliqué mon problème.


    -- Tu arrives en retard, Brodard ! m'a-t-elle grondée.


    -- Non, Madame. Je suis là depuis que Monsieur le Directeur a commencé à appeler les élèves, et il ne m'a pas mentionnée.


    Ils ont froncé leurs sourcils et m'ont observée incrédules.


    -- Vraiment ? râla-t-elle.


    -- Oui, Madame, je vous assure ! ai-je insisté.


    Il a fallu que j'attende dix minutes avant qu'elle ne revienne, penaude.


    -- En effet. Je ne comprends pas. Ton nom n'était nulle part sur les listes. Tu vas donc monter en seconde 3. Ils sont vingt-neuf.


    Hors de question !


    -- Madame, me suis-je permise, depuis nos trois ans Véro et moi sommes dans la même e. Vous ne pouvez pas nous séparer maintenant.


    Mes yeux larmoyants eurent raison d'elle.


    -- Ah, je n'y avais pas pensé. Tu as raison. Va les rejoindre en B204. Tiens, je t'ai fait un mot pour Madame Tintot, ton professeur principal.


    Ouff erreur réparée. Deux minutes plus tard, honteuse mais ravie, je frappais à la porte un sourire niais aux lèvres. J'étais dans la e de beau gosse Luc et de Véro. Je me suis excusée, ai donné le mot à Madame Tintot qui m'a accueillie chaleureusement. J'étais douée en anglais. Je l'ai eue en cinquième. Elle se souvenait forcément de moi. J'étais sa meilleure élève. Bref, elle m'a souri et invitée à aller m'asseoir.  Et devinez quoi ? La seule place disponible était à côté de Luc. Véro m'a fait un clin d'œil que j'ai feint de ne rien voir.


    Je me suis assise. Il sentait trop bon. Il s'est présenté discrètement et j'ai fait de même. Puis, il s'est tu. Je n'ai pas poursuivi la conversation.


    Il avait une voix divine. Après une heure à nous énoncer les objectifs et les enjeux de la e de seconde, nous avons démarré le cours d'anglais. On doit parler de nous et raconter nos vacances. Je me suis éclatée pendant au moins deux minutes alors que beaucoup d'autres ont peiné à atteindre la minute. Mon voisin m'a lancé une grimace du genre bravo, tu as cartonné et il a attaqué. À sa première phrase, j'ai compris. L'enfoiré ! J'ai ri jaune. Il était doué. Il était bilingue. Il a bien caché son jeu. Et voilà qu'il nous a parlé de lui. Sa mère était américaine, son père français. Blabla... Puis il nous a raconté son été aux USA, à Boston précisément et blablabla.


    Le prétentieux ! Je le détestais déjà. Facile d'être doué quand on est natif. Il a monopolisé la parole pendant au moins quatre minutes et la prof s'est mise à lui poser des questions. Je n'avais rien à dire, mais j'ai vite compris que seuls lui, la prof et moi comprenions la conversation. Il m'a fait un énorme sourire après sa prestation, du genre, je t'ai bien eue !


    Ce mec était canon et en plus il était intelligent. C'était juste dégeulasse pour les gens normaux comme moi. Jusqu'à maintenant, je ne me battais qu'avec moi-même pour être première de ma e, mais à ce moment-là j'ai bien compris qu'il faudrait composer avec monsieur PARFAIT.


    Pendant tout le trimestre je me suis surpassée et le jour du conseil fut le moment de vérité. Bien évidemment, j'étais déléguée et vous devinez que Luc a, lui aussi, été élu. J'avais l'impression qu'il faisait tout pour que je le déteste encore. Nous nous sommes assis et tous deux avons cherché nos noms. Ma moyenne était excellente. Je n'avais encore jamais atteint les 18 de moyenne auparavant. Je n'en avais jamais eu besoin. 18,47 fais mieux, va ! J'ai cherché son nom et là je suis sous le choc ! 18,48. Dites-moi que je rêve et que je vais me réveiller ? Moi la fille qui a toujours été sûre d'elle et première de sa e, j'étais seconde.


    J'ai demandé à sortir pour aller aux toilettes. J'ai tenu jusque dans le sas et là mes larmes ont commencé à couler.  J'étais tellement dégoutée !


    Une main m'a touchée dans le dos. J'ai sursauté et me suis retournée. Beau gosse se tenait devant moi. Je me sentais nulle. Lui qui souriait a rapidement changé d'attitude face à mon état.


    -- Je suis désolé. Je voyais ça comme un jeu, je ne pensais pas que ça te tenait autant à cœur !


    -- Un jeu ! Tu te moques de moi ?


    -- Je voulais te donner une bonne leçon, mais je ne me doutais pas que...


    -- Quoi ?


    Je ne comprenais rien à ce qu'il m'expliquait.


    -- Disons que ce n'est pas sympa de se moquer des gens que l'on ne connaît pas !


    -- Mais de quoi diable parles-tu ?


    -- De toi et de ta copine Véro, le jour de la rentrée.


    Je me souvenais que nous nous sommes moquées de lui. Purée, je ne pensais pas qu'il avait tout entendu. La honte !


    -- Tu nous as entendues ?


    -- Vous n'étiez pas très discrètes.


    J’étais gênée.


    -- Je le reconnais. C'est de bonne guerre ! Mais avoue que c'est quand même injuste ! Tu as tout pour toi. Tu es beau et intelligent...


    -- Ah ! Alors comme ça tu me trouves beau ?


    -- Et prétentieux, ai-je rajouté.


    -- Ça contrebalance avec mon intelligence. Je suis quand même premier de la e.


    Toc, prends ça dans tes dents !


    Il a séché mes larmes et m'a fait un énorme sourire.


    Il m'a embrassée sur la bouche et j'ai senti comme une décharge électrique. Je ne m'y attendais pas à celle-là.


    -- Luc, Séverine, où êtes-vous ?


    On sursaute. Zut Madame Tintot. On avait oublié les autres... Ce baiser était à la fois doux et sensuel. J'avais déjà embrassé deux garçons, mais je n'avais jamais ressenti une telle émotion. Un baiser magique. En quelques secondes Luc m'avait tout fait oublier. Les profs, mes parents, Véro, mon nom ou même mon prénom, je ne me souvenais plus de rien avant qu'elle ne nous ramène à la réalité... Il m'a pris la main et nous sommes retournés dans la salle de conférences pour assister au conseil.


    Depuis ce jour-là, nous ne nous sommes plus quittés. Il a été formidable, car il m'a laissé la première place qui me tenait tant à cœur. Je dis bien laisser, car je voyais qu'il mettait moins de cœur à l'ouvrage qu'il ne l'aurait dû. N'était-ce pas adorable ? Un homme qui se sacrifie pour sa chérie et qui se retrouve second par amour ?


    Nous nous connaissons depuis nos quinze ans. Nous avons maintenant vingt-six ans et nous sommes informaticiens. Cela fait donc onze ans maintenant que nous sommes ensemble et quatre ans que nous sommes mariés. Sur toutes ces années comme tout le monde, nous avons vécu des hauts et des bas, mais l'amour que l'on éprouve l'un pour l'autre a, jusqu'à maintenant, toujours été plus fort. Mais réussira-t-il à survivre à cette nouvelle épreuve ? Nous sommes effrayés. Et s'il me quittait au moment où j'aurais le plus besoin de lui ?


    On ne se rend compte de l'amour que l'autre nous porte que face aux épreuves que la vie nous fait endurer. Notre rencontre, notre couple, notre mariage, nous risquons de tout perdre à cause de ce diagnostic. Qu'avons-nous fait pour mériter ça ?


    Je suis triste de cet état. Ce n'est pas juste. Pourquoi cela nous tombe-t-il dessus ? Nous ne sommes pas prêts à affronter cette épreuve. La vie n'est pas juste. Elle est terriblement injuste même... Une larme coule le long de mes joues. Tous les deux, nous avons beaucoup voyagé. Nous avons une vie sociale merveilleuse. Beaucoup d'amis. Nous faisons beaucoup de sorties entre couples. Avec ce qui nous tombe dessus, je doute que nos amis comprennent. Ils auront pitié de moi et je ne pourrais pas supporter leurs regards. Tous les rendez-vous médicaux, les effets secondaires, je doute que notre amitié ne dure. Je ne sais même pas si mon couple y survivra...


    -- Alors mon amour, qu'allons-nous faire ?


    -- Il va falloir que l'on soit fort, réponds-je.


    -- Je t'aime tant Sev. Je n'ai pas envie de te perdre.


    -- Moi non plus Luc. Je suis certaine que tu ne m'aimeras plus dès que les premiers symptômes apparaitront.


    Je me rapproche et pose ma tête sur son épaule. Il m'embrasse le cou.


    -- Non, c'est impossible. Je ne peux pas l'imaginer.


    -- Je risque de perdre mes cheveux ou d'avoir des nausées, des vomissements. Il paraît aussi que l'on peut perdre une partie de notre mémoire. Je risque d'oublier beaucoup de choses...


    Il soupire. J'en ai des frissons. Je ne lui parle même pas de mon corps qui sera probablement dans un sale état après avoir subi ça ! Serais-je alitée et/ou hospitalisée ? Je secoue la tête. Tous ces changements en si peu de temps. Ce genre de pathologie ne fait pas de cadeaux à ceux qui en sont victimes. Je suis déjà si faible ! Comment survivre à ça ?


    Nous pleurons en faisant le deuil de notre vie à deux.


    Luc me regarde et baisse les yeux sur mon corps qui cache ce minuscule alien qui ne va cesser de grossir et de me prendre tout ce que j'ai. Cette sangsue va probablement me pomper jusqu'au sang et même puiser dans mes anticorps et ce jusqu'à la fin... Eh oui, si vous ne l'aviez pas encore compris dans sept mois, nous allons devenir parents pour la première fois ! Je dois vous avouer que nous n'étions pas prêts à vivre cela. Jusqu'à maintenant nous ne nous étions jamais posé la question d'avoir un enfant en fait. La vie à deux nous convenait très bien. Mais le destin en a décidé autrement. Nous serons le premier couple de notre cercle d'amis à tenter cette grande aventure. Il est hors de question que je me fasse avorter. Nous ne sommes pas pour.


    Sinon, remercions Florence Foresti à qui je dois ma conception de la grossesse à cause de son sketch...  


    Quelques semaines sont maintenant passées. Nous avons eu le temps de digérer la nouvelle. Mon ventre est de plus en plus rond et notre petit Maxence se porte à merveille. En fait, en y réfléchissant, même s'il s'est installé sous pilule, je suis à la fois excitée et anxieuse de ce que l'avenir nous réserve. La seule chose dont je suis sûre, c'est que même si nous perdons toute vie sociale, ou que je deviens aussi grosse qu'une vache, ou chauve, ou que je suis alitée et que pendant quelques années nous limiterons nos déplacements, nous aimons déjà ce petit être plus que tout au monde. J'ai la conviction que nous serons des parents comblés.  Finalement, Luc et moi, nous nous battrons pour devenir les trois mousquetaires de Dumas plutôt que les divorcés de Delpech...


    Fin


    Mot de l'auteure :


    « Le but de cette nouvelle est de « dédramatiser » les maladies graves, (eh oui tous les symptômes dont je parle ne sont pas forcément signes de cancer et heureusement) des maladies auxquelles toutes les familles sont malheureusement confrontées et au contraire de dramatiser en scénario-catastrophe un des plus beaux événements de la vie d'une femme, d'un couple. Tout a été écrit de manière délibérée. Donc, profitons de ceux que nous aimons et de ce que la vie nous offre. »

Savage Love 1

Elle est sublime. Je contemple ses grands yeux noirs. Il s’agit d’un noir vraiment sombre et intense. Le genre dans lequel on ne peut pas vraiment lire ce qui s’y trouve par peur de deviner ce qui s’y cache.

Est-ce qu’ils sont tristes ? Je ne peux le dire. Elle ne m’a toujours pas vu. J’ai l’impression que tout le monde sauf elle me mate. Elle attend quelqu’un. Sans doute le serveur qui doit lui ramener sa commande. Aucun homme ne laisserait une beauté pareil seule dans un tel endroit !


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    Je n’ai jamais ressenti une attirance aussi forte pour une femme. Cette femme me plaît et je compte la conquérir. J’ai eu tant de femmes dans ma vie que je ne compte plus. J’aime profiter de la vie et je sais que je ne suis pas fait pour une vie de couple. Une vie de famille. Cela n’est pas pour moi.

    Et pourtant...

    Tais-toi Jason et passe à l’action.

    Je m’approche d’elle. Comme si elle était attirée à son tour par le même tourbillon passionnel qui s’est emparé de moi, elle bouge la tête.

    Son visage remonte progressivement sur le mien. Je pourrais penser que son regard me brûle. Le désir ardent s’imprègne dans ma chair.

    Lorsque nos yeux se rencontrent, je ne doute pas du tout qu’elle est sous le charme, elle aussi. Elle me sourit.

    Elle m’a reconnu. Il ne peut en être autrement. Je n’en ai aucun doute.

    J’apprécie ce genre de lieux, car ils ne se prêtent pas aux rencontres sur du long terme. Surtout avec ma renommée. Un acteur aussi connu que moi ne passe jamais inaperçu.

    Lorsque l’on repart avec une personne d’ici on sait tous les deux d’emblée que l’on passera une excellente soirée, puis que chacun reprendra sa vie normale...

    Je joue carte sur table.

    — Bonsoir, Mademoiselle. J’imagine que vous savez qui je suis.

    Je lui tends la main. Elle se redresse avec finesse et me tend la main. Je la baise avec une lenteur calculée. Elle ne s’est toujours pas départie de son doux sourire.

    — Enchantée bel inconnu. Pourquoi devrais-je vous connaître ? Nous sommes-nous déjà rencontrés auparavant ?

    Elle suscite davantage mon intérêt. Je m’installe à côté d’elle. Sans lui demander si elle attend vraiment quelqu’un. Elle ne m’aurait jamais regardé avec cette intensité si ça avait été le cas.

    Y a-t-il encore vraiment des femmes dans le pays qui ne me connaissent pas ?

    Elle a un léger accent.

    — Vous n’êtes pas américaine ?

    — Non. Je suis mexicaine.

    — Mexicaine. Si toutes vos compatriotes sont aussi belles que vous, je déménagerai au Mexique sur le champ.

    Elle explose de rire.

    — L’avantage, c’est que le Mexique est tout près d’ici, me taquine-t-elle.

    Ma remarque ne la choque pas ? À notre époque où toutes les femmes féminines seraient outrées par une telle remarque. Les choses sont posées et claires entre nous. Un coup d’un soir. Un seul et il sera parfait, je le sais maintenant.

    — Avant cela, je pense d’abord voir si ça en vaut la peine avec vous, plaisanté-je.

    — Je m’appelle Angelina Cardolo.

    — Jason Benrulo.

    — Enchantée, Jason. Tu as peut-être des origines mexicaines toi aussi ?

    Son rire est aussi doux que sa voix mielleuse.

    — Pas que je sache. Et je peux t’en dire autant Angelina. Je suis aussi enchanté que toi ! Peut-être attends-tu quelqu’un ?

    — Non. Je suis venue seule.

    — Je doute que tu repartes seule.

    — Ah oui ?

    Elle hausse ses sourcils parfaitement dessinés.

    Je joue le grand jeu ce soir. Champagne, petits fours. Elle en raffole. Je ne vois pas la soirée passer.

    À 3 heures du matin, je lui propose de la raccompagner. Elle accepte.

    Nous montons à l’arrière dans mon SUV haut de gamme. Elle communique son adresse à mon chauffeur. Lui et mon garde du corps sont devant.

    — Tu as un garde du corps, une voiture de luxe. Dois-je en déduire que tu es quelqu’un d’important ?

    — Pourquoi ne chercherais-tu pas par toi-même ?

    — Ah oui ?

    — Vas-y !

    Elle sort son portable et lance internet. En quelques secondes, elle voit les premiers articles. Elle met un temps fou à lire les différents journaux qu’elle trouve.

    Nous arrivons devant chez elle avant qu’elle ne relève la tête.

    — Apparemment ce soir, j’ai tiré le gros lot ?

    — À toi de voir.

    — Tu veux monter ?

    — Comment refuser ?

    Je n’avais aucun doute. Aucune femme ne me résiste.

    Son appartement est modeste, mais bien rangé. Inutile de perdre du temps. Nous savons tous les deux pourquoi je suis monté.

    — Déshabille-toi bébé, j’ai envie de te voir nue.

    Elle ne prononce pas un mot. Je prends mon portable et lance une musique sensuelle.

    Elle se déshabille en rythme. Cette fille a un déhanché de malade.

    Je me mordille les lèvres. J’ai hâte de la posséder. Il m’est impossible d’imaginer qu’elle n’avait pas prévu de rentrer avec un mec ce soir. Ses sous-vêtements sont un appel au sexe. En deux pas, je suis proche d’elle. Je ne l’ai pas laissée finir son strip-tease. Mes lèvres s’abattent enfin sur les siennes. Elle ouvre la bouche. Je ressens comme des papillons dans le ventre. Tu es sérieux, mec ?

    Je me sens durcir. Nos lèvres se séparent plusieurs minutes plus tard. Nos respirations sont saccadées. Elle en profite pour ramasser ses vêtements et finir de se déshabiller. Elle pose tout sur son canapé. Puis, elle se met à quatre pattes et s’approche telle une louve. Elle ouvre ma braguette. Sa tête est à la bonne hauteur.

    Je ferme les yeux un instant pour savourer ce moment fort en émotion.

    Lorsque je me réveille, il est dix heures.

    Elle m’observe tout sourire.

    — Cette nuit était...

    — Parfaite ? finit-elle.

    — Tu m’as ôté les mots de la bouche.

    Je passe mon bras derrière ma tête.

    — Et je crois que je te désire encore plus que cette nuit.

    — Alors qu’attends-tu ? me défie-t-elle.


    Il est midi quand je quitte son appartement. Greg ne m’a pas appelé, je n’ai donc rien à craindre des paparazzis.

    Je suis comblé après la nuit que je viens de passer. Pourtant ses mains, sa bouche, sa peau me manquent déjà. J’ai son numéro.

    Je rentre, me change et déjeune. Mon manager arrive une heure plus tard.

    — J’ai un nouveau script pour toi. Tu dois l’étudier.

    — OK. Je regarderai ça ce soir.

    Nous discutons boulot une bonne partie de l’après-midi.

    Cela me détourne d’Angelina.

    Je reçois un SMS en fin de journée.

    « J’ai bien envie de remettre ça. Dispo ce soir ? »

    « Et comment ! J’arrive d’ici une heure. Je ramène de quoi manger. »

    « J’adore la nourriture... »

    « Mexicaine ! »

    « Je t’attends. »

    — Tu es comme un ado !

    — Je sors ce soir !

    — Encore une femme !

    — Oui la même qu’hier soir.

    Il m’observe un instant presque inquiet.

    — Ça ne va pas ? demandé-je légèrement irrité.

    — Tu veux revoir une femme avec qui tu as couché hier ?

    — Ce matin même !

    — Sérieux ?

    — Quoi ?

    Je ne vois pas où est le problème.

    — Aurais-tu rencontré celle qui fera battre ton cœur ?

    — Moi amoureux ? Tu rêves. Ça n’arrivera jamais. Tu sais que c’est impossible. Mais quelle déesse au lit !

    Il me sourit.

    — Je crois qu’il est temps pour moi de prendre congé.

    — En effet. Je dois me préparer.

    Je me douche. Hier, j’ai opté pour un costume. Ce soir, je préfère un polo et un bermuda. Une tenue plus décontractée. Après un arrêt, dans un restaurant mexicain, me voilà devant chez elle.

    Il n’y a personne. Elle n’a pas prévenu la presse. Cette femme est parfaite.

    Elle me reçoit d’un long baiser que j’apprécie grandement.

    La soirée est aussi torride que la précédente. Nous n’avons même pas dîné. Cela ne m’a pas manqué. À 4h du mat, j’ai un petit creux.

    Je me lève et réchauffe un mix de plusieurs plats que j’ai rassemblés dans une assiette. Le bruit la réveille. Elle se positionne dans l’embrasure de la porte.

    Elle est nue. Une sirène sublime. J’en ai vu des femmes nues, celle-ci m’émeut pourtant.

    — Un petit creux ?

    — Comme tu le vois ! As-tu faim ?

    — Pourquoi pas ?

    Elle me rejoint. Elle sort une fourchette d’un tiroir. Je ne peux m’empêcher d’admirer ses fesses qui sont magnifiquement galbées.

    Elle se retourne et croise mon regard.

    — Dis donc, espèce de voyeur !

    — Je suis un observateur. Après tout c’est toi qui offre ce beau spectacle. Ce serait ne pas te rendre hommage que de détourner les yeux.

    — Tu peux te rincer l’œil. Cela ne me dérange pas. Je n’ai rien de pudique.

    — Je le conçois en effet. Et ça me plaît !

    Je me lève et elle constate que moi aussi je suis nu comme un ver. Nous explosons de rire.

    — Une sortie en yacht, ça te dit demain ?

    — Demain ou tout à l’heure me lance-t-elle un regard de défi.

    — D’ici quelques heures, en effet.

    — Ça me va !

    Tu ne travailles pas ?

    Je suis en vacances.

    — Dans quel domaine travailles-tu ?

    — Je suis écrivaine. J’écris de la New Romance.

    —Ah oui ?

    — Oui.

    — Tu es connue ?

    — Assez pour que je puisse me contenter de ça pour manger et payer mon loyer.

    — Si tu te montres à mes bras, je te garantis que tes romans seront lus par trois à quatre fois plus de lecteurs.

    — Ah oui ?

    — On parie ?

    — Quoi ?

    — Si tu gagnes, je t’offre ce que tu veux.

    — Si je te demande ton cœur ?

    — Je te conseille de réfléchir à autre chose !

    — Je plaisantais.

    — Pas moi !

    Son sourire s’efface. Ses yeux s’assombrissent. Elle me fixe quelques secondes en silence. Je ne sais pas si elle est vexée ou pas. Elle ne pourra pas dire que je n’ai pas été honnête avec elle dès le départ…

    — Si tu gagnes...

    — Tout ce que je te demanderai, c’est de ne pas faire de scandale quand on se séparera.

    — Et si c’est moi qui te quitte... Tu n’en feras pas, n’est-ce pas ?

    — Je te l’ai déjà dit, tu n’as rien à craindre à ce niveau de mon côté.

    — OK.

    Elle en profite pour insérer sa fourchette dans mon plat et la porter à ses lèvres.

    — C’est délicieux !

    — Je partage cet avis.

    Nous dînons en nous dévisageant. Aucun de nous ne parle.

    Quatre heures plus tard, nous montons sur mon yacht. Elle est en bikini. Je ne cesse de la contempler. Je ne savais pas que des modèles aussi mini existaient. On devine tout et comme nous sommes seuls cela me convient. Mon équipe est sur un voilier non loin de nous en cas de besoin.

    Elle se baigne, puis bronze.

    J’en profite pour lire le manuscrit qu’on m’a proposé. L’histoire n’est pas mal. C’est la première fois qu’on me propose une comédie romantique. Je n’en ai jamais vécu, mais je le sens bien.

    J’appellerai Ben pour lui dire que je veux ce rôle.

    — C’est ton prochain film ?

    — Oui !

    — Hâte de le voir. Je n’ai pas encore eu le temps de regarder un de tes films.

    — Il faut dire que je ne te laisse pas le temps. D’ailleurs, tu devrais regarder ton Instagram.

    — Ah oui ?

    Elle est impressionnée. Je l’ai taguée avec une photo de son dernier roman.

    — Une photo serait encore plus intéressante.

    — OK.

    Je prends la photo de nous deux et la poste. Je m’arrange pour ne prendre que son haut. Elle apprécie.

    Le lendemain, elle m’accompagne à un gala et il y a beaucoup de paparazzis.

    Je ne vois pas le temps passer avec elle. La vie est si simple.

    Je lui sors constamment le grand jeu. Voyage en jet, soirée sulfureuse, promenade en yacht. Tous les jours, je lui fais l’amour et j’en redemande encore et encore.

    Je lui offre des fleurs, des vêtements, des bijoux.

    Ce soir, je lui propose une soirée cinéma dans la salle que j’ai spécialement conçue chez moi.

    C’est la première fois qu’elle vient chez moi et elle est ébahie. Il faut dire que ma baraque est juste un bijou. Comme elle, pensé-je.

    Après le film, je profite de ses charmes dont je ne suis jamais repu.

    Le lendemain, elle m’annonce :

    — Il me semble que tu as gagné notre pari me lance-t-elle. Je te promets que je ne ferai pas d’esclandre lors de notre séparation comme tu me l’as demandé.

    Ses paroles me touchent. Elles me blessent même. Je souris pourtant, je me sens bizarre...


    La semaine suivante, je suis avec mon manager.

    —Alors, c’est toujours une histoire de sexe ?

    — Elle me rend fou...

    — Il était temps que tu t’en rendes compte...

    — Ah oui ? Je compte lui demander d’aménager chez moi.

    — Là, ça ne va pas un peu vite ? 

    — Nous verrons bien… 


    Lorsque je rentre, elle est bizarre. Elle reçoit un appel. Elle s’isole. C’est la première fois qu’elle agit ainsi. Et cela a le chic de m’intriguer. À son retour, je la questionne. 

    — C’était qui ?

    — Ma sœur.

    — Ah OK.

    Je suis rassuré. J’ai envie de lui avouer ce que je ressens.

    — Je me sens vraiment bien avec toi. 

    Elle me sourit. Elle ne prononce pas un mot. 

    — Je voulais savoir si tu voulais emménager avec moi.

    — Aussi rapidement ?

    — Oui. Tu me rends fou. Je n’ai jamais ressenti cela pour une autre.

    — Aïe.

    Je la fixe, quelque peu surpris par sa remarque. Ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais. 

    — Il faut que je t’avoue pourquoi ma sœur m’a appelée. Mon ex lui a demandé de mes nouvelles.

    Je ressens une pointe de jalousie.

    — Il veut que l’on se voie !

    — Et toi que veux-tu ?

    Je garde mon calme. Pourtant, je boue à l’intérieur. Mon cœur est sur le point d’exploser.

    — Je n’en sais rien.

    — Vraiment ?

    — Je ne sais pas quoi te dire.

    Je soupire.

    —  Alors, sois honnête. As-tu l’intention de retourner avec lui ?

    — Oui. Je crois que je l’aime encore.

    Ses mots me blessent terriblement.

    J’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds. J’étais persuadé que mes sentiments étaient réciproques…

    Tout a changé entre nous. Je ne conçois plus ma vie sans elle. Je pensais finir seul. Puis, je l’ai rencontrée et elle a bouleversé ma vie et maintenant...

    — Alors, profite de moi !

    Elle sourit. Ou plutôt, elle ricane, telle une sorcière.

    — Que crois-tu que j’ai fait ?

    Je l’observe, légèrement horrifié.

    — Oui, Jason. Je t’ai utilisé. Je t’ai menti dès le début. Je savais qui tu étais. Tout a été si facile avec toi. Un homme à femmes. Je n’ai pas douté une seconde que grâce à notre rencontre, la vente de mes romans allait augmenter. Merci d’ailleurs. Ce soir, tous sont devenus des best-sellers et le prochain sera sans doute au-dessus de mes espérances.

    — Tu vas retourner avec ton ex ?

    Tout ce qu’elle vient de me dire ne me dérange pas. Rien, absolument rien ne me gêne si ce n’est qu’elle retourne avec lui !

    Elle explose de rire à nouveau.

    — Tu veux rire ? Je l’aimais et cela m’a permis de ne pas tomber amoureuse de toi. Mais cette enflure rampe et il n’a que ce qu’il mérite. Je pensais l’aimer, mais en fait je ne l’aime plus. Je ne t’aime pas non plus. Je me sens libérée, libre.

    — Je peux t’offrir tout ce que tu veux.

    — Je sais, mais je ne veux qu’une chose, que tu ne fasses pas d’esclandre ! Je vais aller rassembler mes affaires et m’en aller.

    Je ne reconnais pas la femme avec qui j’ai partagé tous ces moments.

    Sa voix n’a plus rien de doux. Ses mots sont tous plus douloureux à entendre.

    — Au fait, je t’ai laissé un exemplaire de mon prochain roman qui sortira demain.

    — Pourquoi ?

    — Pourquoi quoi ?

    — Pourquoi me fais-tu ça ?

    — J’ai répondu à ta question juste avant que tu ne la poses.

    — Ton futur best-seller ?

    — Tout à fait. Tu suis bien... Au revoir, Jason. Sans rancune...

    Elle s’en va sans plus un mot. Me laissant là, sans voix, brisé.

    Je n’ai jamais ressenti une telle douleur. Je ne voulais pas le voir pourtant tout

    était clair. En découvrant son roman, je suis sous le choc.

    « Le jour où j’ai brisé un arnacoeur. »

    Je ne conçois pas de ne pas le lire. Après tout, je suis le héros de son histoire. Et elle prétend que je trouverai mes réponses dans son roman.

    Je vois en effet à quel point elle m’a manipulée depuis le début.

    J’ai couché avec une de ses amies. Je ne vois même pas de qui il s’agit... Son prénom ne m’a apparemment pas marqué. Et nos rencontres d’ailleurs se passaient chez elle. Angelina n’habite pas là-bas. Elle n’a cessé de mentir.

    Elle m’a dédicacé son roman à la dernière page.

    « Vous les hommes aimez utiliser les femmes comme si elles étaient des objets. J’espère que vous paierez tous. Cela s’appelle le Karma. Toi et mon ex savez maintenant ce que ressentes les femmes quand vous les abandonnés... D’ailleurs, le rôle que tu vas jouer, c’est moi qui ai écrit le scénario dans l’état dans lequel tu es, tu seras brillant. À toi l’oscar, du meilleur acteur. Échec et mat. »

    Je souris malgré moi. J’étais foutu dès que j’ai posé mes yeux sur elle...

    À suivre…



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Rencontre en croisière.

Histoire 2

Dire que je suis sur un des plus grands bateaux du monde. Que j’ai contribué à construire qui plus est ! Je soupire. Mon frère râlerait s’il me voyait. Il n’est pas évident d’être ici et de se sentir privilégiée. J’ai horreur des fêtes guindées. Au lieu de me rendre au repas du capitaine, je décide d’aller manger au buffet. Il y a tellement de choix dans cet énorme espace que je trouve mon bonheur.


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    Je m’assois non sans une certaine fierté au bar que j’ai dessiné. Les différentes teintes de couleurs rouge, orange et jaune sont juste sublimes dans cette atmosphère feutrée de ce début de soirée.

    — Vous êtes bien pensives, m’interpelle une voix chaude et grave à la fois dans un anglais impeccable.

    Je souris. Je lève la tête et découvre de beaux yeux noirs qui m’observent. Ce bel apollon noir me rappelle Denzel Washington jeune. Il est grand et a sans aucun doute un corps d’athlète sous son costume. Il dégage une assurance presque intimidante.

    Je lui réponds.

    — Disons que j’admire le travail effectué à partir de mon esprit.

    — Waouh, vous voulez dire que ce merveilleux travail est issu du cerceau sous ce beau visage ? Vous êtes française, n’est-ce pas ?

    — Oui.

    — Votre anglais est de bonne qualité en tout cas ! me répond-il dans un français tout aussi parfait que son anglais quelques secondes plus tôt.

    Il est sans doute français. J’enchaine donc dans notre langue.

    — Êtes-vous en train de me draguer ?

    — Je suis donc si transparent que cela ?

    Je souris encore une fois de plus en plus intimidée.

    — J’espère ne pas être trop entreprenant.

    Que répondre à une telle question ?

    — Au fait, je m’appelle Carter.

    — Chloé.

    — Enchanté Chloé. Ainsi, vous êtes l’architecte qui a conçu ce bateau ?

    — Oh non. Simplement cet étage.

    — Alors vous pouvez être fière de votre travail. On peut se tutoyer ?

    — Bien sûr. Et vous, euh et toi Carter, dans quoi travailles-tu ?

    Je préfère orienter la conversation sur lui. J’ai du mal à être le centre d’intérêt.

    — Disons que j’ai une petite entreprise. J’avais besoin de me détendre alors j’en ai profité. Il y avait des promos pour la première de ce navire. Je n’ai pas hésité.

    — Tu as bien fait. Tu es venu seul ?

    — Envisages-tu de me draguer ?

    Il explose de rire aussitôt. Ma gêne se transforme en un rire aussi communicatif que le sien.

    — Si ta question est : es-tu célibataire Carter ? Ma réponse est oui, Chloé. Je suis libre comme l’air. Non, tu rougis ?

    — Très drôle ! Disons que tu as le chic pour me faire de l’effet.

    — J’en suis ravi.

    — Quel âge as-tu, Carter ?

    — 33 ans et toi ?

    — 26.

    — Une jeunette.

    — Ah ! Ah !

    Nous discutons pendant des heures. Nous ne voyons pas le bar fermer tellement nous sommes pris par notre conversation.

    J’en apprends pas mal sur lui. Je sais qu’il est français, mais qu’il a vécu une grande partie de sa vie aux États-Unis avec ses parents. Ceci explique cela.

    Je finis par bâiller malgré moi. Il regarde sa montre.

    — Il est quatre heures. Je vais te laisser aller te reposer, Chloé. Je vais en faire de même.

    — Bonne nuit, Carter.

    — Bonne nuit, Chloé. Ça te dirait qu’on se rejoigne au petit-déjeuner du 14e vers 10h30 ?

    — Avec plaisir.

    Nous nous dirigeons dans nos chambres respectives. Je suis une membership. C’est agréable de se sentir VIP. Il va dans la même direction que moi et nous découvrons que nous sommes tous deux sur le même palier à quelques cabines près.

    — Apparemment tu es un VIP ? lui dis-je sur le ton du reproche.

    — J’ai voulu me faire plaisir, se contente-t-il.

    — D’accord. Moi, en ce qui me concerne, tout est payé.

    — C’est mérité.

    — Merci.

    Il me lance un sourire mutin et un baiser virtuel avec la main. Puis, il disparait dans sa cabine avant que je ne réagisse.

    À 10h30, il est à l’entrée du restaurant.

    — Tu es ponctuel !

    — Oui, la ponctualité me tient à cœur, réagit-il. Je m’arrange toujours pour respecter mes horaires.

    Au petit-déjeuner, plusieurs personnes chuchotent sur notre passage. Je dois me faire des films. Personne ne sait qui je suis.

    Assis à notre table, nous oublions le monde autour.

    — Les prochains jours, ça te dirait que l’on commande le petit-déjeuner et que nous le prenions sur nos balcons une fois sur deux ?

    — Ah oui. Ce serait génial.

    Je repense encore aux chuchotements. Ceci nous évitera cela. Sans doute ont-ils vu que nous étions VIP et cela leur déplait ? Le midi, nous déjeunons au yacht club.

    — Je tiens à t’inviter !

    — Il en est hors de question. Je suis entièrement prise en charge.

    — D’accord. Comptes-tu sortir ?

    — Oui.

    — Ils te prennent en charge aussi ?

    — Non.

    — Alors, accompagne-moi.

    — Pourquoi pas ?

    Après notre repas, nous partons en quête de Gênes. Je ne suis pas fan du lieu. Enfin, être avec Carter était merveilleux. Il m’a payé le bus touristique, à boire et une glace. Bref, il est aux petits soins pour moi. Il inspire tellement le respect que les gens agissent en conséquence avec lui. Je me sens protégée avec un homme aussi imposant.

    En fin de journée, nous décidons d’aller nous baigner. Quand j’ôte ma serviette, son regard me flatte. J’y lis du désir.

    Il soupire.

    — Je suis loin d’être toutes ces stars de cinéma, etc.

    — Tu as de belles formes. Tu n’as rien à les envier.

    Puis, nous prenons un cocktail.

    Le soir arrivé, nous dînons et il me propose d’aller dans sa cabine. Je ne doute pas un seul instant de ce qui se passera. Je n’en doute même pas. Ce mec me plaît. C’est une histoire de vacances et je l’accepte. Tout étant clair dans ma tête, j’accepte. Son regard appuyé est sans équivoque.

    — Oui, j’en suis certaine.

    Il attrape ma main, un sourire qui en dit long sur les lèvres et m’entraîne à sa suite. Dans l’ascenseur, il glisse sa carte afin de nous bloquer l’ascenseur que pour nous. Il m’embrasse de ses lèvres douces. Une chaleur agréable s’étend dans tout mon être. Ses mains expertes glissent sur ma peau à peine vêtue.

    Il se colle à moi. Lorsque nous arrivons à notre étage, il recule. Nous arrivons rapidement dans sa chambre. Il n’y a rien qui traîne. Je suis presque liquéfiée. Je n’ai pas le temps de reprendre mon souffle qu’il s’abat sur moi. Il me murmure.

    — Sans regret ?

    — Non, aucun.

    Au petit matin, il dort. Sa respiration est calme. La douce tempête est passée. J’ai vécu une nuit exceptionnelle. Mon corps le désire ardemment. Il le réclame. Je me love contre lui. Il se réveille et lit mon désir dans mes yeux.

    Lorsque je me lève, il a déjà commandé le petit-déjeuner. Je retrouve tout ce que j’aime.

    — Quelle mémoire !

    — C’est une compétence essentielle dans mon métier, répond-il avec sérieux.

    — Je n’en doute pas. Combien d’employés as-tu ? Enfin si tu en as ?

    — Quelques-uns.

    — D’accord.

    Je n’insiste pas. Lorsque l’on parle de son entreprise, il est toujours vague. Enfin, j’ai bien compris que parler de son boulot ne le bottait pas trop.

    — Je suis en vacances.

    — J’ai cru comprendre cela, en effet. Ce n’est pas vraiment mon cas.

    — Ah bon ?

    — Non. Je dois repérer les anomalies de l’étage que j’ai dessiné.

    — D’accord. Et tu en as vues ?

    — Quelques-unes. Je les ai déjà signalées.

    Il est surpris.

    — Quoi ? Tu pensais que j’étais une architecte bidon ou quoi ?

    — Non. C’est juste que je ne t’ai pas laissé beaucoup de temps libre depuis notre rencontre.

    — En effet. Celui dont j’ai disposé m’a suffi.

    — Super. Tu es impressionnante !

    — Merci. C’est appréciable de rencontrer des personnes non avares de compliments.

    — C’est ma méthode pour motiver mes troupes.

    Je ne vois pas la semaine passer. Nous nous mêlons peu à la foule.

    Je crois que j’ai un petit pincement au cœur. Demain, il s’en ira et nous ne nous reverrons probablement plus. Quand on a été chouchoutée comme moi, c’est dur de redescendre sur terre. Je crois même être amoureuse. Enfin, soyons réaliste ! Il sait tout de moi, j’en sais peu le concernant. Il a daigné me donner quelques bribes de sa vie, mais ce n’est rien. Si ça se trouve, il est marié. Il serait venu avec sa famille dans ce cas, non ?

    Je vais aux toilettes en sortant de la piscine. J’ai bu tellement de cocktails que je n’aurai pas le temps d’arriver dans ma chambre. Deux femmes discutent. Elles me tournent le dos.

    — Tu as vu la femme que le patron de nos hommes se paye ?

    — Elle n’a rien à voir avec celles d’habitude.

    — C’est sûr.

    Je ne sais pas de qui elles parlent. Mais elles ne semblent pas sympas.

    — Passer de mannequins blondes aux yeux bleus à une noire, j’en suis choquée !

    Quelque chose me pousse à continuer à écouter. On pourrait penser qu’elles parlent de moi...

    — Enfin, demain, elle aura disparu.

    — Tu crois qu’il lui a parlé de sa fortune ?

    — Vu comment elle lui tourne autour, c’est certain. Elle est comme les autres.

    Elles explosent de rire.

    — Si j’étais plus jeune et célibataire, je ne suis pas certaine que j’aurais refusé les avances de Carter Beron.

    Je suis abasourdie.

    Carter, mon Carter ? Je dois faire du bruit, car elles se retournent et m’observent, effrayées. Il n’y a aucun doute. Je comprends mieux toutes ces messes basses à notre passage. Quel menteur !

    Je cours me réfugier dans ma cabine. Il doit m’attendre dans la sienne. Quel enfoiré de menteur !

    Je prends mon portable et fais des recherches. Ce mec est multimillionnaire. Il a monté une start up en informatique qui marche super bien apparemment. Chaque année, il paye un voyage à ses 10 collaborateurs et à leurs familles. Il est généreux. Il a une équipe parfaite apparemment. Il sous-traite tous les autres corps de métiers auquel il a affaire. Ainsi, il garde une entreprise pérenne avec peu d’employés.

    Il frappe à ma porte. Il a un pass. Je l’avais oublié. Il entre. Je tente de ne pas me montrer blessée. Il alterne les yeux entre mon ordinateur allumé et moi. Son visage se ferme.

    — Tu étais au courant ?

    — Oui, mens-je histoire de me donner contenance.

    Il ferme les yeux et passe ses mains sur ses tempes.

    — Quoi ? Tu croyais que tu te foutais de ma gueule ? Et non, c’est bien l’inverse. Je n’ai pas dépensé un centime. En même temps, ce n’est rien pour toi, n’est-ce pas ?

    Il ne répond pas. Son visage semble différent. Je ne sais pas ce qu’il exprime et je m’en fiche.

    — J’ai juste une question ! Pourquoi moi ?

    — J’avais envie de changement. En termes de physique c’était le cas, pour le reste apparemment, non !

    Je n’ai pas trop compris. Mon cerveau est en surchauffe, je n’ai pas envie d’analyser.

    Je comprends pourquoi il a toujours refusé les photos quand j’insistais.

    — C’est pour ça que tu refusais qu’on nous prenne en photo.

    — J’ai eu raison. Tu comptais les vendre cher, j’imagine. Je t’ai un peu court-circuité.

    Ses paroles sont blessantes.

    — Tu devrais aller préparer ton départ !

    — En effet.

    — À plus !

    — Je ne crois pas, poursuit-il.

    Sa voix est froide. Elle me glace le sang.

    — Non, en effet.

    Il s’en va sans plus un regard pour moi. Demain matin, il sera parti. Je rentre sous mes draps qui portent encore son odeur. Je suis si malheureuse. Les larmes se libèrent d’elles-mêmes.

    Dix jours sont passés, pourtant je ne m’en remets pas.

    — Chloé, nous avons une belle proposition pour construire un siège pour une entreprise, me sort mon frère.

    — Tu devrais t’en occuper. C’est toi le commercial.

    — Le patron exige que ce soit toi !

    — Pardon ?

    — Oui.

    Qui me connait pour me solliciter. Sans doute quelqu’un qui a eu vent de ma participation sur le projet du bateau Athéna.

    — D’ailleurs, il est dans la salle de travail. Il t’attend.

    Je suis intriguée. Je me dirige vers notre petite salle. Même si nous ne sommes que deux, nous l’avons conçue dans l’optique de nous agrandir un jour et de recruter des jeunes architectes comme nous. Je pénètre dans la pièce. Je reconnais cette odeur. Ce n’est pas possible. Même de dos, je repère son imposante stature. Il sent ma présence. Il se retourne. Son visage semble fatigué. Je déglutis, incapable de prononcer un mot. Que fait-il là ?

    — Pourquoi m’as-tu menti ?

    — Bonjour Carter. Je ne vois pas de quoi tu parles.

    Autant garder ma dignité jusqu’au bout.

    — Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que deux de mes collaborateurs m’ont appris hier soir la bourde de leur femme sur le bateau ! Ils étaient mal. Elles regrettent terriblement et ils ont tenu à me l’apprendre.

    — Ça change quoi ?

    — Tout. Tu m’as fait croire que c’était mon argent qui t’intéressait.

    — Et toi tu t’es foutu de moi. Nous sommes ex aequo, balle au centre.

    — Je ne me suis pas foutu de toi. Je ne voulais pas tout gâcher. Je rencontrais une femme qui m’appréciait pour ce que j’étais ! En l’occurrence Carter et non pour mon portefeuille.

    — Tu es si parano et imbu de ta personne que tu penses que toutes celles qui t’approchent en ont après ton argent !

    — Toutes celles avec qui je sortais oui ! C’est justement cette différence qui m’a fait tomber amoureux de toi...

    Je suis abasourdie.

    — Pardon ?

    — J’imagine que tu vas me dire que...

    — Je t’aime aussi.

    — C’était aussi facile que cela ?

    — Je le crains, souris-je. Tu m’as tellement manqué !

    — Et bien sûr, tu t’en fiches que je suis riche ?

    — Embrasse-moi au lieu de raconter des âneries.

    — Toi aussi, tu m’as manqué !

    Je suis aux anges pendant quelques secondes jusqu’à ce que je me rappelle qu’il ne vit pas en région parisienne.

    — Tu es à Lyon !

    — Je compte monter une filiale ici et m’installer dans le coin.

    — Ah oui, le projet que j’ai en main.

    Je l’avais oublié.

    — Tu es prête à me surprendre ?

    — Et comment !

    — On va chez toi ou à mon hôtel ?

    — Tu as pris une chambre dans un 5 étoiles, j’imagine ?

    — Euhhh ! Ben quoi ?

    — C’est sûr, Airbnb tu ne connais pas toi, explosé-je de rire.

    Je n’attends pas sa réponse.

    — On va chez moi.

    — Bonne réponse !

    Il m’offre un clin d’œil et fond sur moi.

    J’ai rencontré mon Richard Gere pourtant je m’en fiche de sa fortune. Seul l’homme m’importe. Homme de ma vie ou pas, je compte bien profiter du bonheur qu’il m’offre.




Romance de Noël

Aujourd’hui c’est le 24 décembre. N’ayant ni enfant ni petit-ami, il est vrai que je suis encore jeune, je le passe chez mes parents qui vivent dans un petit village toulousain. J’ai 22 ans et le bilan de ma courte vie n’est pas brillant. Je suis en M2 architecture, ça, c’est pas mal certes, mais je n’ai encore rencontré aucun mec sérieux qui a pu faire vibrer mon cœur. 

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    • Joëlle, ma chérie, tu peux aller ouvrir ? C’est sans doute le facteur. 

    Je trouve ma mère gonflée de m’appeler alors qu’elle est dans la cuisine juste à côté de la porte d’entrée. 

    J’y vais en marchant lentement, légèrement agacée. En ouvrant la porte, je hurle sur le pauvre homme : 

    • C’est pourquoi ?

    Je pose ainsi mon regard sur lui et ses yeux verts me transpercent littéralement. Je suis fascinée. 

    • Bonjour, je fais ce pour quoi je suis payé. Distribuer le courrier. 

    Je reste sans voix. Il est en colère, c’est certain. 

    • Pas étonnant que certains facteurs préfèrent laisser des récépissés dans les boîtes. Je commence à comprendre leur appétence pas si naturelle finalement à le faire. 

    Je me sens bête tout d’un coup. 

    • Excusez-moi. Je n’aurais pas dû vous parler de la sorte. 

    • Voilà une lettre recommandée. Il me faudrait une signature, s’il vous plaît. 

    Je tente un sourire pour détendre l’atmosphère. Il ne me le rend pas. Lorsque j’ai signé, il se contente de me saluer poliment et s’en va. 

    • C’était Monsieur Lopez ? 

    Ma maman me surprend. Je sursaute. 

    • Non, c’était un jeune homme. 

    • Nous avons reçu un recommandé ? 

    • Oui, maman. 

    • Ça ne va pas ? 

    • Si, mens-je. 

    Je suis quelque peu déboussolée par la froideur dont le facteur a fait preuve. Il était tout de même poli. Enfin, n’était-ce pas mérité ? Oh que si ! D’habitude, c’est Monsieur Lopez qui nous distribue le courrier. Il n’aurait pas mérité que je lui parle de cette manière non plus. Notre facteur est très gentil. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je m’en veux. 

    Concernant le jeune homme, je me suis excusée. Il n’y a rien à ajouter. 

    Noël avec mes parents se passe à merveille. Toute la semaine, je vois le jeune facteur glisser le courrier dans la boîte sans qu’il sonne. Tant mieux. Mon attitude a gâché toute discussion cordiale possible entre nous. Monsieur Lopez a-t-il pris des vacances ? Ou sa retraite ? Je ne sais pas quel âge il peut avoir... Le jeune est-il le nouveau facteur de mes parents ? Nous sommes partis sur un mauvais pied dans ce cas ! 

    Quelle plaie ! Pour une fois qu’un mec n’était pas trop mal. Tant pis pour toi. De toute façon, Paris/Toulouse, ça aurait fait loin. Une telle relation n´est pas envisageable. De toute façon, j’attends de rencontrer le futur médecin... 

    Le 31 arrive trop vite à mon goût. Je me prépare pour rejoindre mes potes que je n’ai pas vus depuis des mois. Nous avons décidé de fêter le Nouvel An ensemble. Julie a créé un groupe WhatsApp pour préparer notre soirée au mieux. Nous serons une petite dizaine. Je connais tout le monde sauf un de ses amis qui est en médecine avec elle. Elle est certaine qu’il me plaira. Mais elle a refusé de me montrer la moindre photo de lui. Je sais juste qu’ils se connaissent depuis la première année, mais qu’ils viennent juste d’apprendre qu’ils étaient tous deux d’ici. Ils sont devenus potes récemment. Elle veut absolument nous le présenter. Il est un des meilleurs, si ce n’est le meilleur de la promo, d’après les dires de Julie. Ce qui est loin d’être mon cas. Pour autant, j’arrive à réussir chaque année, c’est tout ce qui m’importe... 

    En tout cas, en ce qui concerne Guillaume, le futur médecin, il a l’air sympa du peu que j’ai lu. Il n’a pas de photo de lui en avatar WhatsApp. Enfin, je flaire le coup foireux... Si ça se trouve, le mec est moche avec des boutons ou gros avec des lunettes. En soi, s’il est costaud, ce n’est pas hyper grave. Moche à mon goût en revanche... 


    Après ma douche, je passe un jean bleu et un chemisier blanc. Mon gilet bleu et blanc se marie bien avec l’ensemble. 

    Je prends mon manteau et me voilà partie. Deux kilomètres plus tard, je me gare chez les parents de ma meilleure amie. Elle étudie à Amiens. 

    Moi à Paris. Nous pourrions nous voir plus souvent, mais financièrement ce n’est pas toujours évident. 

    J’arrive en premier. Je l’aide à tout installer. Ses parents sont partis en croisière et nous ont laissé la maison. C’est trop top. Les invités arrivent peu à peu. Ça sonne. 

    • Joëlle, peux-tu aller ouvrir, s’il te plaît ? 

    • OK. 

    J’ouvre et surprise. Mon jeune facteur apparaît devant moi. Je suis abasourdie. Je comprends rapidement qu’il s’agit du fameux étudiant en médecine. L’atmosphère s’est glacée quand il m’a vue. Je suis dans la MERDE. 

    • Vous distribuez même des recommandés le soir, tentais-je. 

    • Ah Ah ! Elle a de l’humour, la hargneuse ! 

    Bon OK, il n’a pas été emballé par ma blague. 

    • Vas-y entre, Guillaume, j’imagine. 

    • C’est cela. 

    Un sourire forcé, il me pousse gentiment pour entrer. Inutile d’être Einstein pour comprendre qu’il n’a pas envie de s’éterniser avec moi. 

    Il salue tout le monde et s’installe. Julie, ma meilleure amie, lui fait la bise. 

    • Voici ma copine Jo. 

    Il semble déçu. Elle a dû lui parler de moi... 

    • Je l’ai déjà rencontrée. 

    Son ton est toujours aussi froid. 

    • Ah bon ? 

    Tous nos amis se retournent. Ils n’ont pas loupé la tension dans sa voix. Je me dois de me justifier la première. Peut-être comprendra-t-il enfin ? 

    • Oui. Il est facteur à ses heures perdues.  Un jour, il a sonné chez moi et je n’ai pas été agréable. J’ai beau m’être excusée, ton cher ami semble rancunier. 

    • À mes heures perdues ? Tu t’entends parler ? Tu étais aussi détestable que tu l’es ce soir. 

    • Là, c’est toi qui l’est, répons-je instantanément. 

    Tout le monde nous regarde. Ils semblent amusés. En tout cas, je ne me laisserai pas insulter. Il est évident que ce n’est pas cette nuit que je trouverai un mec. Une voile sombre intérieure m’attriste. 

    Même Julie nous scrute d’une drôle de manière. 

    La soirée commence. Guillaume et moi restons chacun dans son coin. Il est agréable avec tous les autres et se fait même draguer ouvertement par Samia, une de nos potes. Elle a toujours les mecs qu’elle convoite. Sa peau mate, ses lèvres pulpeuses et ses gros seins y jouent pour quelque chose. Son maquillage trop prononcé doit plaire aussi... Je suis à l’opposée. Plutôt fade... Je soupire. Lui ne repartira probablement pas seul. Guillaume pose enfin ses yeux sur moi. Une micro seconde avant de les détourner à nouveau. Je m’assois à une table et boude. Quelle super soirée ! 

    • Viens avec moi, me chuchote Julie. 

    Elle m’entraîne dans sa chambre. 

    • Je crois que tu lui plais malgré le fait qu’il t’en veuille encore. 

    • Pourquoi m’en veut-il encore ? 

    • J’ai rapidement discuté avec lui avant que Samia ne jette son dévolu sur lui. Tu dois savoir que ça aurait pu être son père à la porte. 

    • Et pourquoi donc ? 

    • Son père, c’est ton facteur idiote !

    Je souris à ce petit nom bien choisi me concernant. C’était logique et je ne suis vraiment qu’une idiote !  

    • Monsieur Lopez ? 

    • Oui. En fait, son père est fatigué, mais il n’avait plus de vacances. Alors, Guillaume a proposé de le replacer pendant ses 15 jours de vacances afin qu’il puisse se reposer. Il lui donnera tout son salaire, bien évidemment. 

    Ce mec est un altruiste ! C’est un saint ! 

    • Tu es sérieuse ? 

    Elle acquiesce. 

    • C’est vraiment formidable de faire une telle chose pour son père. 

    • C’est un gars extra. Il a eu l’impression que tu le méprisais, je pense. 

    • Cela n’avait rien à voir. 

    • Il n’en démord pas. 

    • Je vais essayer de lui expliquer. 

    Julie me sourit avec tendresse. 

    • N’abandonne pas ! C’est avec toi qu’il doit repartir, pas avec Samia ! 

    Je redescends et me plante devant lui. Samia pose un regard tueur sur moi. Je détourne la tête avec assurance et demande à Guillaume de me suivre. Bizarrement, il ne se fait pas prier. Nous voilà dans la chambre de ma meilleure amie. 

    Il attend debout devant le lit. 

    • Nous avons vraiment quelque chose à nous dire ? me demande-t-il. 

    Son regard a pris une nouvelle teinte. 

    • Toujours aussi agréable avec moi !

    Il se tait et attend que je commence. Je réfléchis à toute vitesse. 

    • Je voulais simplement clarifier la situation entre nous. 

    Je ne me serais jamais cru capable de cela. Je prends mon courage à deux mains et j’y vais. 

    • Cela n’avait rien à voir avec le fait que tu sois facteur. Ma mère m’a demandé d’aller ouvrir et j’avoue que sur le coup, ça m’a saoulée alors j’ai été condescendante, mais cela aurait pu être n’importe qui. Ça m’aurait embêtée que ça tombe sur le facteur de mes parents que je connais depuis ma naissance. Je m’en excuse encore une fois. Tu faisais ton travail et j’aurais dû réagir autrement. 

    • Pourquoi avais-tu besoin de te justifier ? Ça t’apporte quoi ? 

    Je rougis. Autant jouer carte sur table. 

    • Parce que quand j’ai posé les yeux sur toi la première fois, tu m’as plu. 

    Une lueur apparaît dans ses yeux. Apparemment, je ne lui suis pas totalement indifférente. 

    • OK, j’accepte tes excuses. On peut redescendre ? 

    • C’est tout ? 

    • Oui, qu’espérais-tu ? Que je te saute dans les bras ? 

    • Euhhhh non, je laisse la place à Samia, finis-je défaitiste. 

    Il ne répond pas. Je suis déçue. Il va la retrouver et me narguer pour se venger ? 

    Il est jovial, discute avec tout le monde et Samia qui ne le quitte pas d’une semelle. Je suis carrément dégoutée. 

    Tout le monde a ramené un quelque chose que nous dégustons, tous ensemble. On dîne à la bonne franquette, je finis par réussir à me rapprocher de lui. Julie a occupé Samia pour que je puisse m’installer près de Guillaume qui n’a d’autre choix que de me parler. On en apprend un peu l’un sur l’autre. Je suis assise à côté lui. 

    • Dernière année d’architecture ? 

    • Oui en juillet, je serai diplômée. 

    • Moi je n’en suis qu’à ma 5e année. 

    • Tu comptes te spécialiser ? 

    • En effet. Je souhaite me spécialiser en gynécologie. 

    • Vraiment ? Ça t’est venu comme ça ? 

    Attention à sa susceptibilité. 

    • Je veux dire comment un homme en vient à choisir la gynécologie. Je suis intriguée. 

    Il ne s’en formalise pas. Ouf 

    • J’aime les femmes, alors autant m’occuper de leur corps. 

    • Corps, corps... me moqué-je. 

    Il explose de rire. Il est trop beau. 

    • Si tu veux tout savoir, je pourrai faire naitre mon enfant en obstétrique. À défaut de porter mon bébé, je le mettrai au monde. Et donner la vie à des petits êtres humains, ça me botte vraiment. 

    Sa phrase est belle et touchante. 

    • Ce n’est pas faux... 

    Samia me foudroie du regard. Elle m’en veut il n’y a aucun doute. Il est en bord de canapé et moi à côté. Il a les bras sur le dossier, elle n’a aucune chance... 


    À minuit, on se souhaite tous une excellente année. On se retrouve éloigné, Samia en profite pour un rapprochement. Je crois que je vais lâcher l’affaire. Je m’éloigne et sors prendre un peu l’air. Même pas une minute plus tard, il ne me rejoint dehors. Je suis stupéfaite. Je ne bouge pas, la bouche ouverte comme un carpe. La neige commence à tomber à ce moment-là. Fort heureusement, j’ai mis mon manteau et mon bonnet. Guillaume a fait de même. Il s’approche de moi et m’embrasse sur la bouche. Un baiser tendre et simple. Mon ventre explose de joie. Malgré le froid, une chaleur vient m’irradier le corps tout entier. Guillaume me repousse et me sourit. 

    • Bonne année Joëlle ! 

    • Bonne année Guillaume. Dois-je en déduire que... 

    • Samia ne me plaît pas ? 

    • Cela ne me regarde pas ! 

    • Menteuse. Nous sommes sous le Gui. 

    • Ah... Oui, c’est à ça que je faisais référence. 

    • Je me disais aussi, se moque-t-il. 

    Je baisse la tête. Il me la relève pour que je le regarde dans les yeux. 

    • Je plaisantais. Même sans le gui, je t’aurais embrassé ! On connait nos numéros respectifs, on verra bien où ça nous mènera. 

    • Ça me va. Donc pour Samia... 

    • Je croyais que ça ne te regardait pas ? 

    • Arrête de te moquer de moi, s’il te plaît ! 

    Il m’embrasse une nouvelle fois avant de reprendre la parole. 

    • D’accord. Tu es la seule de la soirée qui me fait de l’effet... C’est bon ? 

     

    J’acquiesce de la tête. Il m’embrasse à nouveau plus longuement. C’est si bon ! J’ai des papillons dans le ventre comme dans les livres. Je frissonne. Il croit que cela est dû au froid. 

    • Rentrons avant que tu ne tombes malade. 

    Mon sang boue. Il n’y a aucune chance que cela arrive. Je garde cette réflexion pour moi. 

    Nous rentrons à la fête, main dans la main. Tout le monde applaudit sauf Samia qui je le pense n’est plus une amie. Nous ne nous quittons plus au grand dam de Samia. Je passe même ma nuit et toutes les autres de nos vacances avec mon facteur favori. Nous rencontrons nos parents respectifs. Monsieur et Madame Lopez sont de très charmantes personnes. Pas étonnant que leur fils soit aussi serviable. Il cherche toujours à aider son prochain. Il a bien choisi sa voie. Nous n’avons plus reparlé de notre rencontre houleuse. 

    Le 5 janvier, il me ramène chez moi en voiture et reprend la route pour Amiens. J’ai l’assurance que nous continuerons à nous fréquenter. Que notre relation dure ou pas, c’est ma plus belle histoire d’amour et elle s’est nouée pendant mes vacances de Noël. 

     







     








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Dans un autre monde

Elle

Aujourd’hui je suis au restaurant avec mon mari. Quelle épreuve !

— Tu es belle, mon amour.

— Merci, mon chéri. C’est vrai que mes cheveux courts me vont bien.

Son visage s’assombrit. Je m’en veux de lui causer tant de peine. Nous sommes mariés depuis dix ans pour le meilleur et pour le pire. Mais depuis deux ans, nous vivons le pire. Nous vivons un cauchemar.

Je sais qu’il refuse de l’accepter.

— Il fait beau, hein ?

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    — Arrête ! me lance-t-il. Ce n’est pas ce que je veux.

    — Ce n’est pas ce que je voulais non plus. Tu n’as rien à regretter. Tu as été le plus parfait des hommes. 

    Cela fait 11 ans que nous nous sommes croisés pour la première fois dans cet Auchan. 

    —Je n’aurais jamais pu imaginer rencontrer un homme aussi beau, gentil et intelligent que toi. Moi, caissière avec le nouveau PDG de la filiale régionale ?

    Il sourit.

    — Je me souviens encore que la première fois où je t’ai rencontrée, tu portais une petite robe à fleurs rouges. Tu étais souriante, heureuse.

    Je suis encore sous son charme, malgré ma décision. Il se souvient de tout ce qui concerne nos premières rencontres. 

    — Attends, quand on vient de se faire embaucher, on est ravi. Je cherchais depuis des mois. J’avais enfin du boulot et je voulais quitter mes parents.

    — 3 mois plus tard, tu emménageais chez moi.

    — J’ai encore du mal à imaginer que j’ai eu la chance de vivre tout cela. Ce fut rapide !

    — Ah ça oui !

    — Tu te souviens que j’avais une valise avec à peine six vêtements. À 20 ans, j’étais pommée. Mais c’était une excellente décision que j’ai prise ce jour-là, non ?

    — La meilleure ! Tu as accompli de grandes choses !

    — Ah bon ?

    — Repasser ton bac que tu as obtenu, réussir ton BTS comptabilité, c’est top, non ?

    — Oui et j’ai eu une promotion canapé.

    Malgré sa tristesse, il sourit.

    — Et je n’ai aucun regret. Tu fais du bon boulot.

    — Du moins jusqu’à il y a deux ans.

    — Tu te souviens de notre premier restau ? change-t-il de sujet.

    — Tu m’as joué le grand jeu.

    — Je savais que tu étais la femme de ma vie.

    — C’était réciproque même si je me demandais ce qui avait bien pu te plaire chez moi !

    — Ton charisme. Les gens sont enchantés de te connaitre. Tu as de l’empathie pour tout le monde. Je t’ai vue t’épanouir pendant des semaines, dans ce magasin.

    — Tu vivais loin. J’entendais toujours les collègues se demander pourquoi le directeur régional venait aussi souvent. Ils pensaient même que tu voulais restructurer le magasin.

    — Et moi, je ne venais que pour toi !

    Les mots sont inutiles. Je pose ma main sur sa joue. Il la serre avec son épaule et me l’embrasse.

    — Je t’aime tant !

    — Je t’aime aussi.

    On nous amène nos plats. Je mange peu. Ces merveilleux souvenirs sont à la fois beaux et difficiles à supporter aujourd’hui.

    — Tu sais que c’est ton directeur, Damien qui m’a encouragé à te parler ?

    — Tu ne me l’as jamais dit.

    — Il ne tarissait pas d’éloges te concernant. Grâce à lui, je connaissais tout ton emploi du temps.

    C’est à mon tour de sourire.

    — Les autres avaient même fini par dire que c’est moi qu’on voulait virer ! C’est pour ça que ce jour-là je t’ai posé la question.

    Je me replonge onze ans en arrière. Ce 2 décembre quand j’ai vu le directeur de région pour la quinzième fois à ma caisse.

    — Vous comptez me faire virer ?

    — Pardon ?

    Ses yeux se sont grands ouverts. Il semblait surpris par ma remarque. M’étais-je trompée ?  Il était 20h et je fermais ma caisse derrière lui. Il n’y avait donc plus personne après lui. Les autres parlaient depuis si longtemps que j’ai fini moi-même par le croire. Ses yeux se sont mis à briller.

    — Pourquoi est-ce que je devrais vous virer comme vous le dites ? Avez-vous quelque chose à vous reprocher ?

    J’étais offusquée.

    — Absolument pas !

    — Eh bien, pourquoi cette remarque ?

    — Parce que c’est au moins la dixième fois que vous passez à ma caisse.

    — La quinzième exactement, mademoiselle Bondi.

    Il avait plongé ses yeux dans les miens pendant qu’il parlait et il m’avait hypnotisée. Il n’y avait plus que lui et moi dans ce magasin encore bondé.

    Je le savais, je ne voulais pas qu’il sache que je comptais. Les premières fois, comme dans les films, je pensais que je lui plaisais. Au bout de dix fois et en entendant les collègues, j’ai vite déchanté. J’en étais même déçue. Je m’étais fait des films... La question était pourquoi lui comptait-il nos rencontres ?

    — Vous connaissez même mon nom !

    — Bien sûr ! Je suis votre directeur.

    — Grand directeur ! Vous voulez me faire croire que vous connaissez le nom de tous vos employés ? osé-je.

    Quel aplomb ! Je ne me reconnaissais pas !

    — Alors premièrement, même les grands directeurs ont des besoins comme n’importe qui. Ensuite, en effet, je ne connais que le vôtre !

    Besoin ? De quoi parle-t-il ? 

    — Vous voyez bien que quelque chose ne va pas ! Ne tournez pas autour du pot et dites-le-moi !

    Il a soupiré, baissé la tête, puis l’a relevée et m’a regardée dans les yeux. Mon cœur explosait sous ma poitrine.

    — Le fait est, Souriah, que vous me plaisez depuis que je vous ai rencontrée.

    Je suis restée abasourdie. Et mes collègues qui étaient autour encore plus. J’étais loin d’être la plus belle d’entre nous toutes. Alors que lui était canon !

    — Moi !

    — Oui, vous ! Je suis désolé que vous ayez pensé que je comptais vous renvoyer. Bien évidemment, si je ne vous plais pas, je ne vous importunerai pas ! Ne craignez rien pour votre poste !

    Tant de questions se sont bousculées dans ma tête ce soir-là ?

    Que répondre ? Et s’il me quittait ? Et qu’adviendra-t-il de moi s’il finissait par me quitter ? Ce qui arriverait assurément... combien de temps durerait notre relation ? Est-ce que je lui plais vraiment ? Et chaque jour suivant, il a fini par ôter tous mes doutes.

    Il m’a accompagnée, poussée, et aimée comme jamais je n’aurais pu l’espérer. Et depuis, je vis un véritable conte de fées. Du moins jusqu’à il y a deux ans. Je soupire. Et ça va s’arrêter. Trop tôt, bien trop tôt. Je n’ai que 31 ans et mon mari 36. Et tout allait bientôt se terminer. Finalement étions-nous vraiment destinés l’un à l’autre ? À son âge, il vivra plus longtemps avec une autre qu’avec moi. Je secoue la tête.

    Brillant, il avait eu son bac à 16 ans 1/2 étant né en décembre. À 22 ans, il finissait et démarrait comme stagiaire, puis directeur de magasin puis de région. Cet homme était incroyable. Et avant moi aucune femme ne l’avait vraiment intéressé.

    C’était réciproque. Il a été le premier homme à attraper mon cœur. Sa demande à mes parents pour me fréquenter, sa demande en mariage, tout avait été parfaitement parfait.

    — Pourquoi ne veux-tu plus te battre ?

    Je souris malgré moi. Mon mari me connait si bien qu’il a deviné la raison de notre restaurant en tête à tête.

    — Je sais que tu prendras soin des filles.

    — Tu es prête à nous abandonner.

    — Je donnerais tout pour...

    — Non. Je t’ai épousée pour finir mes jours avec toi, pas pour que tu m’abandonnes à la moindre difficulté.

    — S’il te plaît, laisse-moi partir !

    — Je ne peux pas, je refuse !

    Je sens dans ses yeux comme il m’en veut.

    Je reçois un SMS. Je sais que c’est Paul qui vient me récupérer.

    — Paul va arriver. Tu viendras me voir demain ?

    — Oui. Je serai là. Avec les filles ?

    — Non. Je préfèrerais qu’elles viennent ce week-end.

    — C’est comme tu veux. Tes désirs sont des ordres. Je t’aime.

    — Merci.



                                       Lui


    Je savais ce qu’elle allait me dire lorsqu’elle m’a demandé de la rejoindre au restaurant.

    Elle comptait me quitter et je n’étais pas prêt.

    Cela fait maintenant quinze jours qu’elle est partie. Qu’elle nous a quitté et je suis malheureux ! Je n’ai jamais autant aimé une femme de ma vie et heureusement que j’ai les filles pour tenir.

    Je reçois un mail avec une vidéo jointe. Je tremble. Je sais qu’il vient d’elle.

    « Mon amour, j’espère que tu ne m’en veux plus. Je suis tellement désolée de vous avoir abandonnés. J’aurais tant donné pour rester avec vous, mais la vie en a décidé autrement. Là où je suis, je ne souffre plus. J’imagine que tu ne vas pas bien du tout. N’oublie pas que je vous aime. »

    Je l’arrête. C’est tellement dur de la voir...

    Elle l’a donc programmé pour arriver aujourd’hui.

    Je me rappelle encore sa question avant qu'elle ne s'en aille.

    — Lorsque les filles se marieront, tu n’oublieras pas de leur montrer la vidéo que je leur ai faite ?

    — Je préfère que...

    — Tu sais très bien que ce ne sera pas possible. Depuis que je l’ai accepté, je suis plus sereine. Tu referas ta vie et tu seras à nouveau heureux !

    — Je ne veux pas refaire ma vie, je ne veux pas d’autre femme. C’est toi que je veux !

    Tout le monde s’est retourné sur nous. Je ne me suis pas rendu compte que j’avais crié. S’ils avaient su ce qui nous arrivaient, ils me l’auraient pardonné aisément. 

    — Je t’aime et si là où je suis je peux continuer à vous aimer, sache que je le ferai pour toujours. Pour l’éternité.

    Je soupire en revenant au moment présent. Je m’adosse à ma chaise et laisse les larmes couler. 

    Quand nous avons appris son cancer au sein, nous étions confiants. En six mois, elle était en rémission. Un an plus tard, il est revenu plus agressif à un stade plus avancé. Des pleurs, des larmes, de la tristesse, de l’incompréhension. Tout nous submergeait. Et en six mois après s’être battue, elle s’est résignée et s’en est allée. Paul l’ambulancier qui l’accompagnait à tous ses rendez-vous nous était fidèle. Il est presque devenu un ami. Elle a été hospitalisée le 15 juin et cinq jours plus tard, elle m’a invité au restaurant pour m’annoncer qu’elle arrêtait tout traitement et une semaine plus tard, elle s’en allait pour toujours.

    Je lance la vidéo.

    « La vie est faite d’épreuve et la nôtre est terrible. J’ai passé les 11 plus belles années de ma vie et je te remercie du plus profond du cœur pour tout ce que tu m’as donné. N’en veux pas à Dieu. Ne m'en veux pas non plus, s'il te plaît. Tout cela devenait insupportable. La souffrance dans vos yeux par ma faute le devenait davantage. C’est ainsi ! Tu n’es ni le premier et tu ne seras malheureusement pas le dernier à perdre ta femme. Je t’aime. Vous êtes prêts à avancer et tu es fort, tu y arriveras. Parle de moi aux filles, s’il te plaît. Ne m’oubliez pas, mais avancez et toi surtout refais ta vie. Tu es bien trop beau pour finir seul ! »

    Je souris malgré moi à cette remarque.

    Je dois avouer qu’en ce moment ce genre de pensées sont bien loin de mes préoccupations. Comment peut-on se reconstruire quand on a perdu son âme sœur ?

    La femme parfaite pour nous malgré ses imperfections. Et Dieu sait qu’elle a dû me supporter. Lorsque je partais des jours entiers et qu’elle n’a jamais douté de moi. Elle savait que je n’avais d’yeux que pour elle et que je n’aurais jamais pu la tromper. Elle me manque tant ! Je soupire, le cœur lourd. Elle semble si vivante, si forte malgré le fait qu’elle était rongée par ce microbe qui a gagné la bataille sur elle.

    — Papa, tu regardes une vidéo de maman ? On peut la regarder avec toi ?

    Je me tourne et trouve mes filles devant la porte. 

    Je ne m’étais pas rendu compte qu’elles étaient là. Je les croyais dans leur chambre. J’observe Alana notre petite dernière de 6 ans. Aucun enfant ne devrait subir ça, ne devrait perdre un parent. Je suis peiné que mes filles subissent cela. C’est tellement injuste ! Mais la vie est-elle juste ? 

    — Oui, ma chérie. Venez-là !

    Elles comprennent. Elles savent qu’elles ont perdu leur maman. La voir dans son cercueil, quelle épreuve pour nous ! Elle souriait, semblait sereine, en paix.

    Ce jour-là, j'ai compris son choix et toute ma rancœur s'en est allée. Je ne pouvais pas en vouloir à ma femme de ne plus pouvoir supporter ce qu'elle vivait. Ce n'était pas une vie pour aucun d'entre nous. 

    — Maman me manque, papa, me dit Ashley, notre ainée de 8 ans.

    — À moi aussi, ma chérie.

    — Tu crois qu’elle ne souffre plus ? poursuit-elle.

    — Non. Elle est bien dans cet autre monde.

    — Alors, je suis heureuse.

    — Moi aussi.

    Non, je ne suis pas heureux. Égoïstement. Et je me rappelle que je ne dois pas lui en vouloir ! Je ne le peux pas. Elle s’est battue et si elle a abandonné à la fin, c’est qu’elle ne pouvait plus supporter ses souffrances.

    Mes filles s’installent dans mes bras et nous regardons leur maman, notre ange partie trop tôt qui nous aide à accepter son départ. Et je sais que dans quelques années, je leur montrerai à chacune, une vidéo de leur maman pour leur mariage. Ma femme parle pendant des heures de toutes les anecdotes dont elle se souvient de notre vie à deux, puis à trois et enfin à 4. Mes filles qui ressemblent beaucoup à leur maman me rappelleront que je ne pourrai jamais l’oublier. 


    Peut-être que je rencontrerai quelqu’un, mais la réalité est là. J’ai perdu la femme que j’aime et l’amour que je lui vaux est éternel.

Vous avez des questions précises sur mes romans ou sur moi-même ? N’hésitez pas à me consulter.

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